Tribune Nantaise
·31 March 2025
Aristouy sur la formation – « On empêche de voir émerger des jeunes entraîneurs atypiques »

Tribune Nantaise
·31 March 2025
Pierre Aristouy revient sur sa courte expérience en tant qu’entraîneur du FC Nantes, une aventure marquée par l’urgence du maintien et la pression de réussir. Tout a commencé un 9 mai 2023, un lundi, alors qu’il était en repos après un match des U19. « Je reçois l’appel de Franck Kita qui me propose de prendre l’équipe première. » Après une heure de réflexion, entre fierté et appréhension, il accepte la mission. « Le club était dans une situation difficile, mais on y va. » L’objectif : assurer le maintien dans les dernières journées de Ligue 1. Lors de son premier contact avec l’équipe, il leur lance : « La priorité, c’est de se battre, il faut être motivé à 200 % ».
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Malgré un groupe fatigué, tant physiquement que mentalement, Aristouy s’efforce de créer une dynamique positive, loin de la peur. « Je leur ai dit de ne pas avoir peur. On va travailler, mais il ne faut pas laisser la peur s’installer. » Son approche est axée sur l’attitude, en insufflant de la confiance au groupe. « J’ai essayé d’amener une attitude ultra-positive et de l’infuser à l’ensemble du groupe. » L’équipe se maintient lors de l’ultime journée contre Angers (1-0), et, à sa surprise, il se voit confirmé pour deux saisons supplémentaires. « C’était assez inattendu, je ne me projetais pas forcément sur la suite. » Mais son travail durant l’été 2023 se heurte rapidement à la réalité du mercato, où il manque de temps pour s’imposer pleinement. « Si on m’avait donné plus de temps, j’aurais pu mettre plus de choses en place. »
Si le projet de jeu d’Aristouy commence à prendre forme, il se heurte à des réticences au sein de l’effectif, certains joueurs préférant un jeu plus pragmatique. « Sur un groupe de 25, il y en avait 5-6 qui étaient réfractaires. » Selon lui, ce manque d’adhésion empêche l’équipe de performer de manière optimale. « Les cadres doivent être des leaders techniques. Si certains cadres réfutent la philosophie d’un entraîneur, ce ne sont pas des cadres. » Pour lui, le rôle de l’entraîneur est aussi de s’assurer que l’équipe adhère au projet collectif. « La direction sportive doit soutenir le projet de jeu de l’entraîneur et faire comprendre aux plus réticents qu’ils sont au service du club, et pas l’inverse. » Bien qu’il mise sur l’ambition et un jeu offensif, il se heurte à l’impatience du club et des dirigeants, dont la méfiance s’installe rapidement. « À un moment, ils se rendent compte que nous ne sommes pas du tout sur la même longueur d’onde. »
Son licenciement en novembre 2023, après une série de résultats mitigés, marque la fin de son aventure avec les Canaris. « Un petit peu, je m’y attendais. » Cependant, Aristouy ne regrette rien dans ses choix tactiques, même s’il reconnaît avoir manqué d’expérience pour gérer certaines incompréhensions. « On ne peut pas clouer au pilori un jeune coach qui n’a que trois mois d’expérience en Ligue 1. » Aujourd’hui, il constate que son projet à Nantes n’a pas eu le temps de se développer, mais il reste attaché au club. « Je suis un supporter majeur du club, je vis toujours à Nantes, mais dans les conditions actuelles, bien évidemment que non. »
Sa réflexion sur la formation des entraîneurs en France et les difficultés d’émergence de nouveaux profils est également une partie importante de l’interview. « On empêche de voir émerger des jeunes entraîneurs atypiques avec des idées. » Selon lui, les critères d’accès aux diplômes et la structure actuelle du système ne favorisent pas l’épanouissement de talents comme ceux qu’il a rencontrés en National 2. « Un Julian Nagelsmann en France paraît impensable. » « On empêche des talents comme lui d’émerger avec un système trop rigide. » Il plaide pour plus de flexibilité dans l’accès à la formation d’entraîneur. « Les places sont limitées, seulement dix par an sur près de 250 dossiers présentés, et c’est encore plus dur pour les entraîneurs qui viennent du monde amateur. » Il estime également que le manque de temps et de confiance accordé aux jeunes entraîneurs en France est un frein pour l’innovation. « Il faut des profils qui correspondent à ses idées. Si on m’avait laissé plus de temps, je considère que notre jeu aurait pu séduire des profils intéressants à venir chez nous. »
Sa philosophie de jeu se veut résolument offensive et dynamique. « Il faut être protagoniste sur le terrain, décider comment on va ressortir le ballon, comment on va animer, comment on va se positionner. » Pour lui, le football est une question d’adhésion collective, où les joueurs doivent être sur la même longueur d’onde. « Le plus important, c’est d’avoir des joueurs qui comprennent la même chose et qui ont la volonté de faire la même chose. » Et il conclut en soulignant l’importance de ce défi pour un entraîneur : « C’est ça, pour moi, le défi d’un entraîneur. »