Lucarne Opposée
·25 mai 2025
Brésil, nouvelle crise

Lucarne Opposée
·25 mai 2025
Une nouvelle crise secoue le football brésilien. Le président de la Confédération Brésilienne de Football (CBF), Ednaldo Rodrigues, a été destitué de ses fonctions alors que Carlo Ancelotti se prépare à prendre les commandes de l'équipe nationale.
Le 24 mars, Ednaldo Rodrigues était réélu à la présidence de la CBF avec le soutien de vingt-sept fédérations et quarante clubs de Serie A et B. Il y a une dizaine de jours, le juge de la Cour de Justice de Rio de Janeiro, Gabriel de Oliveira Zéfiro, a déclaré « nul l'accord conclu entre les parties, précédemment homologué par la Cour Supérieure, en raison de l'incapacité mentale et d'une possible falsification de la signature de l'un des signataires, António Carlos Nunes de Lima, connu sous le nom de Colonel Nunes ». Cet accord, signé par cinq dirigeants, avait mis fin à une action contestant le processus électoral de la CBF et avait, dans la pratique, permis la tenue du scrutin qui avait maintenu Ednaldo Rodrigues à son poste grâce à une modification des statuts autorisant plusieurs mandats consécutifs. La validité de ce document est ainsi remise en question à la suite de l'expertise graphologique suggérant que la signature du Colonel Nunes, ancien président de l'entité, aurait été falsifiée ou réalisée « sans capacités cognitives » de l’ancien dirigeant de la CBF.
Le magistrat a nommé Fernando Sarney, l'un des vice-présidents actuels de la CBF, comme dirigeant intérimaire. Ce dernier, qui avait rompu politiquement avec Rodrigues et faisait partie de l'opposition, aura pour mission de convoquer de nouvelles élections « dans les plus brefs délais ». Interrogé par la presse, Sarney a tenu à rassurer concernant l'embauche récente de Carlo Ancelotti : « Je ne vais pas toucher à cela. Le football poursuit son chemin. Je ne suis là que temporairement ».
Ednaldo Rodrigues, qui a reçu la nouvelle de sa destitution alors qu'il se trouvait à Asunción pour participer au congrès de la FIFA, a immédiatement demandé au Tribunal Suprême Fédéral (STF) d'annuler la décision du TJ-RJ, avant ensuite de renoncer à reprendre la présidence de la CBF. Ce n'est pas la première fois que Rodrigues se retrouve dans cette situation. En décembre 2023, il avait déjà été destitué par le même tribunal avant d'être réintégré un mois plus tard sur une décision du juge Gilmar Mendes du STF.
Photo : Buda Mendes/Getty Images
Dans les heures qui ont suivi la destitution d'Ednaldo Rodrigues, dix-neuf présidents de fédérations d'États brésiliens ont signé un manifeste pour « la stabilité, le renouveau et la décentralisation du football brésilien ». Sans mentionner directement Rodrigues, ils initient un mouvement en vue des élections qui pourraient être convoquées par Fernando Sarney, nommé par le Tribunal de Justice de Rio de Janeiro. Huit fédérations n'ont pas signé ce document : São Paulo, Bahia, Pernambuco, Espírito Santo, Minas Gerais, Tocantins, Amapá et Mato Grosso.
Le manifeste des fédérations
« Le football brésilien vit un moment décisif. Il est urgent d'affronter les défis structurels qui limitent depuis des années le potentiel de notre football. Nous avons besoin d'un calendrier équilibré, d'un arbitrage professionnalisé, de terrains de qualité, de sécurité dans les stades et de compétitions renforcées.
Pour que cela se produise, il est fondamental de garantir la stabilité institutionnelle de la CBF. Nous devons tourner la page actuelle de judiciarisation et d'instabilité qui compromet depuis plus d'une décennie le bon fonctionnement de l'entité et l'avancement du football brésilien. C'est également le moment de récupérer l'autonomie interne de la CBF, aujourd'hui étouffée par une structure excessivement centralisée et déconnectée des instances qui composent l'écosystème du football national.
Au-delà de la stabilité, la situation exige un renouveau des idées, des pratiques et des dirigeants, ainsi que la professionnalisation définitive des structures de gestion. La CBF doit être un exemple de gouvernance, d'efficacité et de transparence – et doit également redevenir la maison de tous ceux qui construisent le football brésilien, avec un environnement sain, inspirant et décentralisé, où chacun peut contribuer activement à l'amélioration du sport qui constitue un véritable patrimoine national.
Unis dans ce but, nous nous engageons à construire une candidature à la Présidence et aux Vice-Présidences de la CBF engagées dans un nouveau cycle pour le football brésilien : plus démocratique, plus intégré et plus ouvert à la participation de tous. Nous voulons une CBF forte, appréciée de l'intérieur, admirée de l'extérieur – et à nouveau aimée par tous ceux qui font du football l'âme de notre pays ».
Dans ce contexte de bataille juridique, la décision de Rodrigues d'annoncer prématurément la nomination de Carlo Ancelotti comme nouveau sélectionneur du Brésil lundi dernier apparaît comme une tentative de gagner le soutien de l'opinion publique. Fait notable, le Real Madrid n’a officialisé le départ de son entraîneur que onze jours plus tard. Depuis, Fernando Sarney s'est engagé à convoquer de nouvelles élections « le plus rapidement possible » et a promis de ne pas interférer dans les affaires footballistiques ni dans les contrats en cours, notamment celui d'Ancelotti. Un Carlo Ancelotti qui a embarqué pour le Brésil ce dimanche au moment où Samir Xaud a été nommé nouveau président de la CBF pour un mandat portant jusqu’à 2029.
Bien que seul candidat, Xaud n’a pas obtenu l’unanimité, la moitié des clubs, dont ceux qui avaient déclaré leur soutien à Reinaldo Carneiro Bastos il y a une semaine, ayant boycotté l’élection. Un nouveau président qui a déclaré : « Aujourd'hui, nous entamons une nouvelle phase à la Confédération brésilienne de football. Notre gestion, et je tiens à utiliser le pluriel, sera marquée par le renouvellement des idées et l'agrégation de toutes les personnes désireuses de contribuer efficacement au plein développement de notre sport. Je ne suis pas arrivé ici tout seul. Je fais partie d'un groupe qui s'est réuni dans un seul but : construire une nouvelle CBF qui soit moderne, participative et engagée dans le développement de l'industrie du football ». Un combat qui s’annonce des plus difficile tant les fractures politiques semblent encore nombreuses entre les fédérations et les clubs dont les divergences sont au cœur des remous traversés par la CBF.
C’est donc Samir Xaud qui devrait présenter Carlo Ancelotti ce lundi. Dans un contexte où la sélection piétine dans ses éliminatoires et où l’avenir des institutions restent encore incertain, plongé dans la crise, les premiers jours du nouveau sélectionneur s’annoncent délicats.