Bruno Lautrey : "Je n’avais pas l’ambition de devenir journaliste sportif et pourtant..." | OneFootball

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·24 octobre 2024

Bruno Lautrey : "Je n’avais pas l’ambition de devenir journaliste sportif et pourtant..."

Image de l'article :Bruno Lautrey : "Je n’avais pas l’ambition de devenir journaliste sportif et pourtant..."

Bruno Lautrey a exercé la profession de journaliste sportif chez Presse-Océan de 1968 à 2008. Il est en outre le fils de Pierre Lautrey, également journaliste mais aussi l’un des hommes qui, aux côtés de Marcel Saupin en 1943, a fait partie des pères fondateurs du FC Nantes. Enfin, il est un collborateur fidèle de la Maison Jaune. Autant dire que sa mémoire est riche d'événements qui ont marqué l’histoire de notre club favori.

Quels sont tes premiers contacts avec le FC Nantes ?


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J’ai d’abord joué dans les équipes de jeunes du FC Nantes, où je suis entré en 1960. J’ai notamment joué aux côtés de Joël Prou. Mais une vilaine blessure mettra rapidement fin à ma carrière de footballeur.

"Je suis entré à Presse-Océan en mai 68"

Après cela, quelle orientation choisis-tu ?

Je n’avais pas l’ambition de devenir journaliste sportif et pourtant… Après un concours réussi dans l’une des deux écoles de journalisme en France (aujourd’hui le pays en compte une quarantaine), j’ai épousé ce métier et je suis entré à Presse-Océan en mai 68, en même temps que Claude Sérillon. Les hasards de la vie, en l'occurrence le décès d’un collègue qui avait en charge les rubriques sport, ont fait que j’ai rapidement intégré ce service. Ce n’était pourtant pas mon premier choix.

Tu as donc très vite travaillé avec le FC Nantes ?

J’ai commencé le journalisme à une époque où le club comptait déjà de grands joueurs : Philippe Gondet, Bernard Blanchet, Gaby De Michèle… Lors d’un match amical en Suisse, José Arribas invite mes parents et moi-même à faire le voyage avec l’équipe. Je me retrouve dans le car à côté d’un jeune garçon de mon âge aussi timide que moi. Il s’appelle Henri Michel. Lors de ce match, je m’aperçois tout de suite que nous avons à faire à un futur grand joueur.

Durant ta carrière, quels sont les joueurs qui vont le plus t’impressionner à Nantes ?

Il sont nombreux : Gondet, Michel, Bossis, Amisse, Halilhodzic, Burruchaga… Mais j’étais particulièrement admiratif de Gondet. Sur le terrain, il ne se posait pas de questions. Dès qu’il était dans la surface de réparation , il tirait.

Des joueurs ont-ils réagi après certaines de tes critiques ?

Je me souviens d’Omar Sahnoun. En 1974, tout jeune joueur, il joue avec l’équipe réserve au poste de libéro et bien qu’il n’ait pas grand-chose à faire, il n’estime pas nécessaire d’aller aider les milieux de terrain. Dans mon papier, je l’allume en écrivant que s'il continue comme ça, il pourra jouer jusqu’à 70 ans. Huit jours plus tard, à l’occasion d’un match de Gambardella, quand les joueurs sortent du car, certains m’interpellent en me disant que quelqu’un m’attend. J’aperçois Omar qui descend du car et qui me fait signe de venir : “Monsieur Lautrey, vous n’avez pas été gentil avec moi”. Je lui répond que si un mannequin avait joué à sa place, il n’y aurait pas eu une grande différence. Tout cela dans un total respect, nous avons fait le voyage retour, assis côte à côte dans une ambiance sympathique.

"C’était surtout les femmes des joueurs qui m’en voulaient"

J’ai une anecdote comparable avec Didier Deschamps, qui m’interpelle également pour un papier : “Monsieur Lautrey, vous avez été dur avec moi.”. En effet, je l’avais trouvé moins bon que d’habitude. Il me précise qu’il a joué en fonction des consignes du coach et il argumente en devenant son propre avocat. Après l’avoir écouté, je lui dit “Tu ne m’as pas convaincu et je ne reviendrai pas sur ce que j’ai écrit”. Il ne m’en a pas voulu. Nous avons gardé de très bons rapports y compris lorsqu’il est devenu entraîneur de l’équipe de France. J’avais pris pour habitude d’être le plus honnête possible dans mes analyses sans jamais être insultant. Certaines fois, c’était surtout les femmes des joueurs qui m’en voulaient.

Quel est ton regard sur le football actuel ?

Il m’inquiète. L'omniprésence de l’argent, le manque de connaissances footballistiques des nouveaux propriétaires de club. Quand on voit l’exemple de Lyon où Jean-Michel Aulas est mis de côté par la nouvelle équipe américaine, ce n’est pas rassurant.

Quels journalistes sportifs t'ont le plus impressionnés ?

J’ai eu la chance de rencontrer et de pouvoir échanger avec Charles Biétry, un grand monsieur, ainsi que Thierry Gilardi. Nous avions la même vision du football. Avec Canal+ , ils ont révolutionné le football et lui ont donné une véritable valeur marchande. Avant eux, le football était sous-côté. J’aime egalement beaucoup Vincent Duluc, un très bon journaliste du journal L’Equipe et une très bonne plume.

Et Didier Roustan, qui nous a quittés il y a quelques semaines ?

Je trouve qu’il était surévalué. Je l’ai côtoyé lors de la coupe du monde 82, il avait tendance à tirer la couverture à lui.

"Avec Jean-Claude Suaudeau, je me suis toujours bien entendu"

Tu as connu plusieurs entraîneurs du FC Nantes. Peux-tu nous en parler ?

J’ai peu connu José Arribas qui était un génie. Jean Vincent était un type très sympa, comme tous les ch’tis. Il avait joué dans une équipe de Reims qui, comme Nantes, jouait un football bien léché. Mais en tant qu’entraîneur, il a adopté un système de jeu basé sur le physique. Cela ne nous a pas empêché de gagner notre première coupe de France. Ensuite, il y a eu Jean-Claude Suaudeau, avec qui je me suis toujours bien entendu, malgré un caractère bien trempé. Enfin, Raynald Denoueix, très bon technicien, garçon très intelligent avec qui sur la fin j’ai un malentendu concernant une composition d’équipe que j’ai annoncée au regard de mes connaissances. Il a pensé que j’avais obtenu ces informations auprès des joueurs. Il m’en a tenu rigueur alors que ce n’était pas le cas. De ma carrière je n’ai jamais contacté un joueur hors du cadre professionnel.

Avant de finir cet entretien, as-tu une dernière anecdote à nous raconter ?

En 1972 je couvre les Jeux olympiques de Munich. Je suis à l’aéroport, dans un climat tendu. J’attends mon avion qui a beaucoup de retard quand je m’aperçois que je suis assis à côté de Franz Beckenbauer. Un peu intimidé, je fais toutefois appel à mes connaissances d’allemand (scolaire et service militaire) pour engager la conversation. Là, je découvre un homme charmant. Rapidement, je lui dit que je suis journaliste sportif à Nantes, et tout de suite il me demande “Ah ? Vous connaissez Erich Maas ?”. Les deux hommes qui se sont rencontrés au Bayern Munich étaient restés très proches. Ensuite, il me propose de rencontrer Gerd Muller qui était également présent à l’aéroport. Celui-ci évoque également Erich Maas qu’il connaît bien. Moi, je n’en reviens pas : En quelques minutes, j’ai rencontré deux stars mondiales du football. Je repars avec l’adresse personnelle de Franz Beckenbauer. Malheureusement, je n’aurai jamais l’occasion de le rencontrer à nouveau.

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