Derniers Défenseurs
·11 septembre 2021
Derniers Défenseurs
·11 septembre 2021
2021-2022 marque la création d’une compétition européenne que l’on pourra retrouver tous les jeudis : la Conference League. Pour préparer au mieux l’évènement à venir, Derniers Défenseurs vous propose cette semaine de passer en revue certaines équipes qui prendront part à la fête, afin que vous connaissiez sur le bout des doigts le football européen. Aujourd’hui, on s’intéresse à Alashkert, champion d’Arménie, devenant la première équipe du pays à atteindre une poule de compétition européenne. A travers cet article, nous découvrirons au mieux cette équipe, qui peut devenir l’une des raisons de s’intéresser à cette compétition qui risque de faire pâle figure face à l’Europa League.
La trajectoire de l’équipe en jaune et noir se dessine entre surprise et incertitudes. En premier lieu, on peut déjà dire que le club a fini champion pour la quatrième fois de son histoire. La quatrième fois sur les six dernières années. Un titre qu’ils n’avaient cependant plus gagné depuis 2018, laissant cet honneur par deux fois à l’ambitieux Ararat-Armenia, fondé en 2017 et où les moyens étaient présents pour faire avancer le football national. Cependant, la saison dernière, ils se sont plus ou moins écroulés, ne terminant même pas à une place européenne. Il ne restait plus qu’une équipe en lice pour gagner le titre national : Alashkert, qui aura du batailler quelque peu avec le FC Noah dans les dernières journées.
On ne dirait pas au vu des équipements low-cost, mais oui, ce sont les champions nationaux !
Pour passer au plan européen, on peut dire que les choses ont été loin d’être faciles ! A commencer dès le premier tour qualificatif de Ligue des Champions, en affrontant les Connah’s Quay Nomads, champion du Pays de Galles depuis deux saisons. Le champion arménien va donc partir pour Galles, dans un stade qui n’est même pas celui de leur adversaire, puisqu’il n’est pas homologué… et va avoir beaucoup de mal à chercher ne serait-ce qu’un 2-2 au match aller. Et pourtant, Alashkert a des moyens et un effectif bien supérieurs !
Cette menace de mauvaise surprise a continué de s’installer jusqu’au match retour en Arménie, où les Nomads ont tenu défensivement de bout en bout, se créant même quelques occasions jusqu’à aller en prolongations. Sauf que c’est à la 110e minute du match que les choses vont revenir à la “normale” : belle combinaison à 3 des joueurs d’Alashkert, le ballon revient sur le milieu français Vincent Bezecourt (passé par les New York Red Bulls), qui rentre dans la surface, et tente sa chance dans un angle fermé par deux défenseurs… Dedans. Un français emmène donc Alashkert pour un barrage européen au minimum. Pas vraiment avec la manière, mais l’essentiel est là.
Au second tour, les choses deviennent déjà très corsées. En effet, Alashkert affronte le Sheriff Tiraspol, gargantuesque champion de Moldavie. Comme vous savez qu’ils ont battu Crvena Zvezda et humilié le Dinamo Zagreb aux tours suivants, on ne va pas faire durer le suspense. A l’aller, le champion arménien s’est défendu sur ses terres, mais perd 1-0 sur un exploit de Luvannor Henrique, le seul moldave titulaire de l’équipe (depuis parti pour l’Arabie Saoudite). Au retour, Alashkert ouvrira le score grâce à son buteur bosniaque Aleksandar Glisic… pour revenir à la réalité avec une défaite 3-1. On passe désormais à l’Europa League.
Au troisième tour qualificatif d’Europa League, Alashkert affronte encore une fois un bon morceau, avec le Kairat Almaty, champion du Kazakhstan. Ce même champion qui aura su gagner sur ses terres face à des équipes telles que le Maccabi Haïfa ou Crvena Zvezda. En sachant que le Kairat a un bien meilleur effectif et que l’entraîneur, à deux doigts de partir, n’a toujours pas de tactiques définies. Surtout, l’équipe vient de perdre l’un de ses meilleurs joueurs en la personne de l’ailier droit David Davidyan, parti pour Khimki… Le résultat ne semble faire aucun doute. Pourtant, la magie va opérer. Déjà, Alashkert va réussir à obtenir le match nul au Kazakhstan : 0-0. Match extrêmement fade, où les Arméniens ont pu avoir des regrets, avec un penalty manqué de Glisic.
Le match retour, mesdames messieurs… Folie pure. Dans un match bien plus disputé, Alashkert va ouvrir le score à la 43e minute sur un contre assassin, transformé par le buteur portugais José Embalo. Le Nairi Stadium implose déjà. La réponse ne se fait pas attendre, avec une volée juste avant la pause d’Aibol Abiken, assurément le meilleur joueur kazakh. Les choses se ressemblent en seconde période, avec un doublé d’Embalo, puis l’égalisation kazakhe 10 minutes plus tard. Jusqu’à la 62ème minute, 10 secondes qui vont changer une histoire. Le capitaine Artak Grigoryan prend le ballon dans sa moitié de terrain, se retourne, passe vers la droite. C’est à ce moment-là qu’il va prendre un tacle très en retard du Biélorusse Denis Polyakov. Carton rouge.
A 10 contre 11, le Kairat parvient malgré tout à avoir des occasions, tout en attendant les prolongations. Ce qui est chose faite. La prolongation va forcer le tournant que l’on attendait tous. Première minute de la prolongation, tacle très engagé d’Abiken, deuxième jaune, 9 contre 11. Là, les jeux sont faits. 103ème minute, le gardien du Kairat fait une faute de main sur une frappe désespérée. Glisic profite de pousser le ballon dans les filets tel un renard. 3-2, knock-out. Alashkert s’est assuré une place en poules européennes. Un exploit retentissant et récompensant les quelques bons parcours des équipes arméniennes ces dernières années.
Voilà donc une équipe arménienne en barrages d’Europa League pour la troisième année consécutive ! Encore une fois, ça loupera malheureusement le coche. Quand tu tires les Rangers aussi, c’est sûr que tu ne pars pas vraiment gagnant. Malgré tout, il faut rendre hommage au fait qu’Alashkert s’est très bien accroché face à eux. Défense quasi-parfaitement face à des Rangers qui ont connu un début de saison catastrophique. On est bien loin de la saison parfaite et des 0 défaites en championnat. Un seul but aura été marqué dans cette double confrontation, celui l’inévitable Alfredo Morelos. Un peu de déception, mais surtout de la fierté de réaliser quelque chose de concret dans le football arménien.
Avec leurs armes, les Arméniens ont bataillé au mieux face aux Ecossais
En soi, il est assez compliqué de définir quelle sera la composition de base de cette équipe. Parce que, comme dit précédemment, il n’y a pas réellement de tactique définie. Aleksandr Grigoryan, l’entraîneur de cette équipe, qu’on a déjà pu voir avoir de nombreux succès dans le football russe, féminin comme masculin, aime adapter son style à l’adversaire. Bien qu’il ait une préférence pour le 4-2-3-1 comme illustré plus haut, il aime s’entourer de joueurs polyvalents et généreux en efforts. Son objectif est de jouer un football intense, qui peut rapidement changer de style. C’est ainsi qu’ils peuvent alterner pressing intense, contres très directs, jeu assez défensif…
Pour des résultats qui tiennent plutôt bien. Exemple avec Urartu, autre équipe arménienne qu’il entraînait la saison passée, et qui a fini troisième du championnat. Les deux éléments tactiques dont on peut être sûrs, c’est la ligne défensive à 4, et la présence d’un double pivot, capable de presser et récupérer bon nombre de ballons.
Au niveau des joueurs, on constate la présence de plusieurs internationaux arméniens de bon niveau. Dans l’équipe-type : Taron Voskanyan dans la charnière, Artak Grigoryan au milieu, accompagné de Rumyan Hovsepyan. On peut noter sur le banc David Yurchenko, gardien titulaire de la sélection ; Artak Yedigaryan, pouvant jouer 6 comme latéral droit ; ou encore Aghvan Papikyan, joueur offensif capable de faire des différences. Ce qui fait un peu le contraste avec la pelletée d’étrangers venus jouer quelque chose en Europe (et ça c’est partout en Arménie). Etrangers étant de toutes nationalités : que ce soit russe, ivoirien, portugais, balkaniques ou même français avec le super-sub Vincent Bezecourt !
C’est surtout devant que la question se complexifie, puisque l’attaque a changé quasiment à chaque match. Difficile d’avoir une idée définie. On peut très probablement imaginer Jose Embalo en pointe. Tout comme offrir une place pour Glisic qui peut passer de numéro 9 à ailier droit. Khurtsidze peut jouer milieu offensif comme jouer plus reculé, donc sa place est quasiment assurée. Côté gauche, on a le Brésilien James, venu en provenance d’Urartu justement, qui a joué la quasi-totalité des matchs titulaire. Cependant, il y a aussi le recrutement très récent du vétéran serbe Marko Milinkovic, qui a proposé de belles choses chez Giresunspor, promu en Süper Lig. Comme sur d’autres points, ce sera une belle inconnue.
A noter l’arrivée récente d’un autre buteur, le Brésilien Nixon, qui avait mis quelques buts en Serie A avec Flamengo, avant de bourlinguer à Malte ou en Suède. Autre recrue brésilienne toute récente, l’ailier droit Matheus Alessandro, sûrement venu pour apporter de la profondeur.
Le potentiel 11 d’Alashkert en Conference League
Comme on l’a déjà laissé entendre, il n’y a pas réellement de joueur-star. C’est un collectif uni, que Grigoryan arrive à modeler au fur et à mesure. Même s’il est prévu que des défaites arrivent à cause du rythme infernal ou même du temps d’adaptation des nouvelles recrues. Il n’y a qu’à voir leur début de saison en championnat : un seul point en trois matchs.
Cette équipe vaut clairement bien plus le coup pour voir des internationaux arméniens en action, à savoir Voskanyan, Artak Grigoryan, Yedigaryan… Cela changera par exemple du Sheriff Tiraspol, qui va jouer en Ligue des Champions sans laisser de place aux joueurs moldaves. Il faut dire que le vivier arménien est déjà meilleur qu’un bon nombre de pays de cette zone géographique. On priera aussi pour une belle performance de Vincent Bezecourt.
Alashkert est tombé sur un groupe A assez ouvert : HJK Helsinki, LASK Linz et Maccabi Tel-Aviv.
Quand certains du pot 3 sont tombés sur Rennes et Tottenham, il y a de quoi être tout de même soulagé. Malgré tout, sur le papier, les Arméniens sont la quatrième équipe et possiblement d’assez loin. Le LASK et le HJK sont des équipes qui ont la réputation d’être assez joueuses, pouvant faire très mal quand il y a des largesses défensives. Pour parler d’une confrontation Arménie – Finlande, cet été, le KuPS a posé un 5-0 au Noah en qualifications de Conference League. Il y a là de quoi transpirer.
Il ne faut cependant pas désespérer. Alashkert est une équipe souvent difficile à prendre sur son propre terrain et les Rangers comme le Kairat s’y sont cassés les dents. Là-bas ils sont bien capables de gratter quelques points. Des victoires même, qui sait ?
Crédits photos : IMAGO