Derniers Défenseurs
·17 septembre 2021
Derniers Défenseurs
·17 septembre 2021
Premier club israélien à atteindre les poules de la Ligue des Champions en 2002, le Maccabi Haïfa sera, avec le Maccabi Tel-Aviv, le premier d’Israël à participer à la nouvelle Conference League. Troisième plus gros club du pays en terme de titres, Haïfa est une institution reconnue à l’intérieur de ses frontières mais assez méconnu en dehors, vivant souvent dans l’ombre des clubs de Tel-Aviv, du Betar Jérusalem et plus récemment, de l’Hapoël Beer-Sheva. Tombé dans un groupe compliqué pour cette première édition, Derniers Défenseurs vous propose de partir à la rencontre de la Locomotive Verte d’Israël.
Pour les supporters du Maccabi Haïfa, 2021 aura sonné comme le retour des Verts au sommet de la Ligat Habursa Leniyarot Erech. Champion d’Israël, le club d’Haïfa s’est imposé avec 4 points d’avance sur son dauphin et rival, le Maccabi Tel-Aviv. Avec seulement cinq défaites en trente-six matchs, le Maccabi Haïfa a dominé sa campagne locale de la tête et des épaules mais a surtout mis fin à dix longues années de disette en Ligat, rajoutant une treizième couronne dans la grande armoire à trophée. Troisième club le plus titré en terme de championnat, le Maccabi Haïfa est revenu à son meilleur niveau durant cette année si particulière. Une titre qui lui a ouvert les portes des tours préliminaires de la Ligue des Champions. Une belle manière de renouer avec son histoire.Car la Ligue des Champions et le Maccabi Haïfa, c’est une histoire de je t’aime-moi non plus. Une histoire de je t’aime d’abord : La Locomotive Verte est le premier club de l’histoire du football israélien à atteindre les phases de poules, lors de l’édition 2002-2003. Dans la poule de Manchester, du Bayer Leverkusen et de l’Olympiakos, Haïfa réalise un très bon parcours, terminant troisième de son groupe avec sept points et se permettant même de corriger les immenses Red Devils dans l’ancien Kiryat Eliezer Stadium, sur le score de 3-0. Une épopée légendaire qui fait encore aujourd’hui, la fierté des Verts.
Mais c’est aussi une histoire de moi non plus : en 2009, l’équipe réussit à se qualifier de nouveau pour la reine des compétitions. La poule, composée de Bordeaux, de la Juventus et du Bayern Munich s’avère trop forte et les Israéliens rentrent dans l’histoire comme étant la seule équipe a ne prendre aucun point et à ne marquer aucun but. Un tâche indélébile qui lie à jamais le Maccabi avec la Ligue des Champions.
Une soirée inoubliable pour les supporters de la Locomotive Verte. Oui, coller un 3-0 dans son stade à Manchester United, ça ne s’oublie pas comme ça.
Revenons en 2021. Le titre, glané haut la main, permet à l’équipe coaché par Barak Bakhar de valider son ticket pour un tour préliminaire de LdC. Face au Kairat Almaty, le match aller se termine sur un bon vieux 1-1, malgré l’ouverture d’Omer Atzili. Au match retour, en terre kazakh, les Israéliens se font surprendre rapidement par le vétéran Vagner Love qui ouvre la marque. Haïfa à la peine, ne trouve pas la solution et Abikan, à 25 minutes du terme, ajoute une deuxième banderille au score, mettant un terme au rêve du Maccabi.
Reversés en Conference League, la phase de qualification fut une promenade de santé. Lors du premier match, les Verts disposent tranquillement des Géorgiens du Dinamo Tbilissi, sur le score cumulé de 7-2, donc un cinglant 5-1 lors du match retour, au stade Sammy-Ofer. Opposé au Féroïens du HB Tórshavn au tour suivant, les Israéliens sortent la sulfateuse et ne font qu’une bouché des braves insulaires : 7-2… rien qu’au match aller, encore une fois dans la forteresse du Sammy-Ofer. Au retour, le Maccabi s’incline seulement 1-0 et valide son ticket pour le tour suivant. Lors du dernier tour, la Locomotive se déplace en Azerbaïdjan. Après un 3-3 initial, la machine verte se remet en marche à domicile et colle un 4-0 à des Azéris complètement dépassés. Finalement, Haïfa, mal embarqué au début du mois de juillet, verra l’Europe.
C’est un joli tour d’Europe qui attend le Maccabi Haïfa. Placé dans le groupe E de la petite dernière des compétitions européennes, les Verts auront de sacrés clients en face d’eux. Un tour d’Europe qui commence par la réception du géant néerlandais, le Feyenoord Rotterdam. Ensuite, il faudra faire un saut à Berlin pour y affronter les petits nouveaux de l’Union Berlin, avant de revenir au bercail pour accueillir l’autre gros morceau du groupe, le Slavia Praha. Un parcours périlleux et une marche difficile, voir trop haute pour le Maccabi Haïfa. Malgré un bel effectif et une équipe en pleine confiance, l’écart sportif entre les Verts et les trois autres clubs semble trop grand pour espérer un qualification en seizième.
Depuis l’an dernier, la Locomotive Verte est coché par Barak Bakhar, un ancien de l’Ironi Kiryat Shmona. À 42 ans, le jeune entraîneur connait au Maccabi sa première expérience dans un top club historique d’Israël. Après cinq années avec l’Hapoël Beer-Sheva, où il a insufflé une nouvelle dynamique dans un club qui en avait cruellement besoin. Adepte du 4-3-3 classique qu’il utilise la plupart du temps, il est aussi capable de demander à ses joueurs d’évoluer dans 4-2-3-1 avec deux joueurs placés en soutien de l’attaquant. Une tactique qui lui confère le contrôle de l’axe du terrain mais qui laisse beaucoup d’espaces dans la verticalité. Avec entre 55% et 60% de moyenne depuis le début de la saison, c’est un entraîneur qui aime avoir le ballon, mais qui sait surtout l’utiliser à bon escient.
Un petit aperçu du onze du Maccabi Haïfa
Josh Cohen sera le gardien des buts de la Locomotive Verte. À 29 ans, l’américano-israélien est le portier inamovible de cette équipe. Même si il manque un peu d’explosivité sur sa ligne, Cohen est un gardien rassurant et possède une belle détente. Excellent l’an dernier, il a même été nommé joueur israélien de l’année. Une belle récompense qui vient saluer tout le travail effectué par Cohen depuis deux ans.
Dans l’axe, la paire alignée sera probablement Gershon-Planic. Au club depuis 2017, Rami Gershon est un défenseur solide mais aussi un international régulier des Bleus-Blancs puisqu’il compte pas moins de 25 sélections sous le maillot de la sélection. Placé à ses côtés, le serbe Bogdan Planić évolue plus comme un libéro. Pas spécialement rapide, le défenseur anticipe bien et est une véritable tour de contrôle.
Sur les côtés, les latéraux bougent souvent. À gauche, Menachem et Goldberg ont tout les deux été utilisés cet année par Barak Bakhar. Sun Menachem part peut-être avec une longueur d’avance grâce à ses six ans sous le maillot vert et ses quatre sélections en équipe nationale. Excellent centreur, son apport offensif est l’un des plus belles réussites du 4-3-3 de Bakhar. À droite, même combat. Raz Meir par avec une petite longueur d’avance, lui qui fut titulaire la plupart du temps l’an dernier. Membre du Maccabi depuis cinq ans, Meir est un joueur de club par excellence, qui répond toujours présent quand on fait appel à lui. L’Australien Ryan Strain, arrivé récemment d’Adelaïde United, viendra lui faire concurrence tout au long de la saison.
Sun Menachem, ici à la lutte avec Lucas Moura, lors de la confrontation entre la Locomotive Verte et les Spurs, en octobre dernier.
Au milieu la ligne de trois sera composée de Abu Fani, de Mohamed et de Rodríguez ou Chery. Le premier est une jeune promesse de 22 ans du football israélien. Après deux prêts entre 2017 et 2020, le joueur s’est révélé sous les ordres de Bakhar. Très actif, le récupérateur israélien est un joueur de devoir et qui impose son rythme dans l’entre-jeu. Un peu trop parfois, avec pas moins de neuf cartons jaunes en 36 matchs. Tellement bon qu’il a connu l’an dernier ses premières capes avec la sélection. À ses côtés, Ali Mohamed. Le nigérien, auteur d’une solide saison au Betar, est un complément parfait à Abu Fani. Un joueur d’impact, qui se projette beaucoup moins que son compère mais terriblement essentiel. Son arrivée récente est un excellent coup réussi pour les Verts.
La dernière place se jouera entre l’espagnol Rodríguez et le Surinamais Chery. Le premier est un joueur polyvalent, capable d’évoluer en sentinelle ou en relayeur. Titulaire quasi-indiscutable l’an dernier, il part comme favori. Mais finalement c’est surtout la manière dont souhaite jouer Bakhar qui décidera du poste. Car Chery lui est un joueur qui officie un cran plus haut, comme un numéro 10. Tout dépendra donc de l’animation et des intentions de l’entraîneur, même si il n’est pas impossible de voir les deux titulaires et ce, dès le coup d’envoi.
Mohamed Abu Fani, ici à la lutte avec Aursnes, lors du premier match de poule de Conférence League.
Sur le front de l’attaque, aucun doute sur le fait qu’on y retrouvera probablement Dolev Haziza. Avec 9 buts et 9 passes décisives, l’ailier originaire de Rohovot est un des grands artisans du doublé Coupe-Championnat. Joueur spectacle, Haziza crochète, élimine, efface sans le moindre souci. Si il est dos au jeu ? Pas de souci, son jeu de corps lui permet de se retourner très vite pour se mettre dans le sens de la marche. Si il est capable de mordre la ligne pour étirer un bloc compact, il préfère quand même rentrer intérieur pour se retrouver au coeur du jeu et servir ses partenaires ou prendre ses responsabilités.
Cette année sera l’occasion pour Ben Sahar de se relancer. Ancien joueur de l’Hapoël Beer-Sheva et de l’AJ Auxerre, l’israélo-polonais sort d’une saison très moyenne à Chypre où il n’aura inscrit que six petits buts. Pas spécialement un foudre de guerre techniquement parlant, Sahar est un bon joueur de tête, assez complet, qui peut se retrouver à l’origine et à la finition d’une action. Si la mayonnaise prend, le Maccabi pourra compter sur un attaquant fiable et qui connaît parfaitement le championnat. Dean David, récemment arrivé de Ashdod, devrait être son remplaçant attitré.
Si Haziza et Abu Fani auraient pu largement faire partie de cette catégorie, les honneurs seront pourtant réservés à l’ailier droit Omer Atzili. Ancien joueur du Betar Jerusalem et du Maccabi Tel-Aviv, Atzili a déjà connu le Vieux Continent. C’était en 2016, le temps d’une petite saison, en Andalousie et plus précisément du côté de Granada. Malheureusement pour lui, barré par la concurrence et les choix douteux des entraîneurs successifs, il n’a que trop peu joué, générant beaucoup de frustration d’un côté comme de l’autre.
Pourtant, Atzili est un excellent joueur. C’est tout d’abord un formidable manieur de cuir. Fin et élégant, le bonhomme est un joueur agréable pour les yeux. Excellent dribbleur, il ne lui faut que très peu de touche pour se débarrasser de son adversaire. Intelligent, son positionnement et sa lecture du jeu lui permettent de trouver très facilement la solution ou au contraire, de pousser l’adversaire à la faute en venant le presser rapidement. Pour saupoudrer le tout, Aztili est, comme Haziza, un joueur capable de prendre son couloir et d’en faire voir de toutes les couleurs à son vis-à-vis, même si il adore lui aussi repiquer intérieur pour faire parler son pied gauche. Si il ne fallait vraiment n’en garder qu’un, alors ce serait Omer Atzili.
À la vue de tout ça, il va être difficile pour Haïfa de se sortir de ce bourbier qu’est le groupe E. Malgré un effectif qui regorge de qualités, l’équipe menée par Bakhar semble tout de même un peu juste sur certains postes, ayant un manque criant de profondeur. Avec un calendrier infernal et une grosse envie de conserver la couronne de champion, la peur de disperser trop d’énergie paraît légitime. En ajoutant à ça des concurrents aux dents longues, bien mieux taillé que la Locomotive Verte, la tentation de parler de quatrième place est grande.
Pour s’en sortir et maintenir la lumière de l’espérance, Haïfa pourra compter sur deux choses. En premier, sur son formidable public. Véritable douzième homme, le stade Sammy-Ofer est un calvaire sonore pour les adversaires qui osent s’y aventurer. Un public qui sait parfaitement jouer son rôle de catalyseur et qui pourrait éventuellement faire rapporter quelques points. Si la pandémie laisse tranquille le pays, le train du Haïfa pourrait vite se mettre en marche, porté par tout un peuple.
Il faudra aussi, pour le Maccabi, se replonger dans le passé, dix-huit ans auparavant et se souvenir de la glorieuse épopée de 2003 qui avait permis au club de gagner ses lettres de noblesses sur le front européen, en disposant des plus grands et en tenant tête aux autres. Et pourquoi pas, écrire de nouveau, en 2021, une autre belle page du grand livre de l’histoire de Haïfa.
Groupe E :
Crédits Photos : IMAGO