Lucarne Opposée
·26 mars 2025
Coupe du Monde 2026 – Zone CONMEBOL : Démonstration et crispations

Lucarne Opposée
·26 mars 2025
La quatorzième journée des éliminatoires sud-américains a permis d’offrir quelques certitudes en même temps qu’elle plonge bon nombre de sélections au bord de la crise de nerf.
Il est des choses à ne pas faire. Celle de provoquer l’Argentine quand on n’a pas les armes pour répondre aux conséquences en est une. Alors que le Brésil survit comme il peut, montre plus de signes de fragilité que de solidité, avance en titubant, Raphinha avait donc décidé de plonger dans la piscine à provocation remplie par Romário et dont avait allumé le rival argentin. On s’attendait à une réponse brutale qui pourrait faire davantage vaciller un Brésil privé de quelques éléments (Bruno Guimarães, Gabriel Magalhães, Gerson, Alisson) et dont le système planté par Dorival Júnior, une sorte de 4-2-4, ne fonctionne pas et offre un milieu de terrain béant à ses adversaires. On l’a eue. Pour répondre à ces fragilité auriverdes, Lionel Scaloni a décidé d’intégrer Leandro Paredes devant sa défense, en chef d’orchestre d’un milieu au sein duquel Enzo, Alexis et De Paul pouvaient se relayer pour aller casser des lignes et provoquer des décalages. L’Argentine a ainsi roulé sur la Seleção, l’a faite danser, comme sur le deuxième but, œuvre d’Enzo Fernández à la douzième minute au terme d’une séquence de plus de trente passes. Forte de maîtrise, contrôlant tout le match, l’Argentine, qualifiée au coup d’envoi, a donc livré un récital. Au point que si Matheus Cunha a su profiter d’une errance adverse pour enfin succéder à Roberto Firmino dans le rôle d’un Brésilien buteur face à l’Albiceleste, on a parfois craint que l’addition soit très chargée. Le champion du monde s’est arrêté à quatre, aurait pu en marquer bien plus, quand le Brésil n’a jamais été dangereux, les Vini, Rodrygo, Raphinha n’étant jamais trouvés, ne s’exprimant à aucun moment. La force tranquille argentine contraste avec le chantier auriverde, nul ne sait si Dorival Júnior sera toujours là pour les rendez-vous de juin. Jamais le Brésil n’avait concédé quatre buts en éliminatoires, jamais il n’avait perdu deux fois contre le même adversaire, ce Brésil ne fait peur à personne pourrait même se crisper davantage – même s’il semble hors de danger pour la qualification – alors que se profile un déplacement en Équateur et la réception d’un danger nommé Paraguay.
La crispation monte aussi derrière. Car si l’Uruguay semble contrôler la situation, pour certains, la dynamique inquiète. La Celeste a résisté à une très bonne Bolivie au sein de laquelle le duo Ramiro Vaca – Miguel Terceros génère à juste titre bien des espoirs. Pour cela, la bande à Marcelo Bielsa s’en est remis souvent en un excellent Sergio Rochet et à une solide défense. Mais une fois encore, malgré les conditions particulières que sont celles de jouer à El Alto, l’Uruguay manque de tranchant offensif, est encore loin de ce qu’il a montré sur la première partie de sa dernière Copa América, l’image après laquelle toute la Celeste semble encore courir. Mais finalement, l’Uruguay grappille et avance tranquillement vers la Coupe du Monde, ne semble pas plus inquiet que cela, d’autant qu’il terminera sa campagne par trois « cancres ».
Photo : Gabriel Aponte/Getty Images
C’est donc plutôt du côté de la Colombie que les choses commencent à sérieusement coincer. Comme l’Uruguay, les Cafeteros semblent courir après un souvenir, celui d’une sélection implacable qui faisait peur à sa zone, au point d’être candidate au titre lors de la dernière Copa América. Preuve de cette tension interne : l’incapacité des hommes de Néstor Lorenzo à conserver un résultat. Tout avait bien débuté pour la Colombie face au menaçant Paraguay. Luis Díaz d’entrée de partie puis Jhon Durán avant la fin du premier quart d’heure, permettait aux locaux de prendre deux buts d’avance. Mais ce ne fut que poudre aux yeux. Car la Colombie est désormais fébrile, manque de confiance en elle. En atteste les rares changements opérés par Lorenzo en seconde période alors que sa sélection commençait à se replier, à vaciller. Face à un Paraguay totalement transformé par Gustavo Alfaro, toute faille est exploitée et les Guaranies l’ont fait. Junior Alonso au crépuscule du premier acte, Julio Enciso d’une merveille à l’heure de jeu, ont ramené des visiteurs qui ont pris le dessus sur leurs hôtes, dominé la rencontre et finalement réussi ce que jamais l’Albirroja n’avait fait dans l’histoire des éliminatoires : remonter deux buts de retard. Le Paraguay avance tranquillement, au rythme des victoires à domicile auxquelles succèdent des nuls à l’extérieur, il double la Colombie au classement et laisse les Cafeteros, au sein desquels les jours de Néstor Lorenzo semblent comptés, au bord d’un précipice. Car si le calendrier semble favorable, la Colombie n’a désormais plus que quatre points d’avance sur le barragiste : le Venezuela.
Une Vinotinto qui savait qu’elle pouvait prendre son destin en main à la condition de s’imposer face à un autre candidat aux barrages, le Pérou. Un match arbitré par un Chilien, Cristián Garay, – soulignons la perspicacité de la CONMEBOL – qui a fait beaucoup parler de lui. En partie pour le penalty non accordé à la Blanquirroja à la 91e minute pour une main de Nahuel Ferraresi (qui aurait été sévère), surtout pour celui accordé à la Vinotinto, seul but de la rencontre, pour une faute peu évidente de Carlos Zambrano sur Josef Martínez. Reste que dans l’ensemble, le Venezuela a dominé le premier acte. Óscar Ibáñez a bien cherché à densifier son milieu côté Pérou, aurait pu être récompensé par le but – refusé – de Bryan Reyna, mais a finalement vu sa Blanquirroja peiner à se procurer de réelles occasions, sa première frappe cadrée n’intervenant qu’à l’entrée du dernier quart d’heure. Suffisant ainsi pour que la Vinotinto remplisse sa mission et s’installe à la septième place.
Photo : Marcelo Hernandez/Getty Images
Restait enfin le cas du Chili qui jouait probablement sa dernière chance. Car si le Venezuela a assuré l’essentiel en prenant son destin en main, la Roja, qui savait qu’elle n’aurait jamais possession du sien, devait surtout s’imposer face à l’Équateur. Une Tri au sein de laquelle, Sebastián Beccacece s’offrait une nouvelle folie : titulariser Darwin Guagua, dix-sept ans et aucun match professionnel dans les jambes. Sur le terrain, la Roja chilienne a eu le ballon, surtout en première période. Mais manque cruellement de capacité à changer de rythme, à surprendre. Et face à une défense quasiment imprenable, les intentions chiliennes furent rapidement limitées. Si la Roja a eu quelques situations en première période, elle a finalement lentement sombré en seconde, quand la Tri a pris le contrôle de la rencontre. Sans idée, ou plutôt avec surtout l’unique idée de ne rien changer à son système, même lorsque cela ne fonctionne pas. Le Chili doit donc se contenter d’un point, insuffisant pour se replacer, mais insuffisant aussi pour enterrer définitivement ses chances de barrage. Qu’importe, les « Gareca ya se va » ne cessent désormais de résonner, le Tigre est sous le feu des critiques mais ne veut pas quitter son poste alors que même certains anciens se font désormais entendre et que la fédération n’a pas les moyens financiers de licencier le sélectionneur (l’indemnité s’élevant à plus d’un million de dollars américains). Mais une question se pose cependant : n’est-ce finalement pas trop tard ? À force d’espérer une qualification via un barrage qui n’est mathématiquement pas encore hors de portée, le Chili continue de s’accrocher à un rêve qui ne lui permet pas de construire un avenir. La génération dorée n’aura finalement laissé aucun héritage, rien ne semble avoir été transmis, la Roja devrait déjà préparer 2030 avec une nouvelle génération dont certains membres commencent à peine à se montrer (on pense à Lucas Cepeda, Felipe Loyola, Darío Osorio, Vincente Pizzarro, rares joueurs de moins de vingt-cinq ans qui ont enfin un peu de temps de jeu). Mais l’espoir fait vivre parait-il, alors le Chili survit. Et attendra d’être officiellement éliminé pour se poser les bonnes questions. Les rendez-vous de juin avec la réception d’une imprenable argentine et un déplacement à El Alto pour défier la Bolivie pourraient cependant lui permettre de se les poser assez rapidement.
Photo une : Marcelo Endelli/Getty Images
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