Derniers Défenseurs
·24 février 2021
Derniers Défenseurs
·24 février 2021
Mars 2019, côte est du Danemark. Comme un air d’Amérique dans la ville d’Helsingør, dit Elseneur en français. Habitée par près de 62.000 âmes, cette petite ville se situe à moins de 50 kilomètres au nord de Copenhague, la capitale. C’est ici qu’évolue la modeste équipe d’Helsingør FC, écurie actuellement en NordicBet Liga, dite 1st division. Le club vient alors d’être racheté par un consortium d’investisseurs américains.
Le Helsingør FC, est né en 2005 sous le nom d’Elite 3000 Helsingør, d’une fusion de cinq petites équipes de la ville, et rebaptisé en 2012. Ce dernier a connu son heure de gloire lors de la saison 2017/2018, avec sa seule participation à la Superligaen, l’élite du football danois. Le club termina bon dernier de la phase régulière avec 20 points en 26 journées, mais grappilla tout de même 7 points dans la poule A pour l’Europe (4e/4 avec 27 points, 7e/8 toutes poules confondues). Il s’inclinera cependant lors du match retour des demies-finales des barrages de relégation contre Silkeborg IF (1-1/3-4).
Alors qu’il est en train de sombrer à la dernière place du classement de la 1st Division, le deuxième échelon danois, apparaît l’espoir d’un renouveau pour ce club à l’histoire donc récente. En effet, le club en proie à des difficultés financières, est sur le point d’être vendu à un consortium d’investisseurs américains, digne des plus grandes franchises des Etats-Unis.
À la tête du projet, un homme : Jordan Gardner, pas inconnu dans le monde du football. En effet, il est déjà actionnaire minoritaire dans les îles britanniques de Swansea City AFC, le club gallois de la 2e division anglaise, et de Dundalk FC, club irlandais qui s’est récemment illustré sur la scène européenne. Cependant, plusieurs gros noms accompagnent Gardner dans le projet de rachat d’Helsingør FC. Il y a tout d’abord quatre hommes d’affaires actionnaires minoritaires de la franchis de NBA des Golden State Warriors. Leurs noms ? Nick Swinmurn (ancien propriétaire d’une franchise d’USL League Two), Henry Tsao (qui détient des parts de l’écurie de MLS, Los Angeles FC), John Burbanks, et Michael de Anda.
S’ajoutent à eux des actionnaires de la célèbre franchise d’USL Championship, les Phoenix Rising FC, Brett Johnson, et Taylor Reinhardt. Un projet qui a donc une grande réputation non seulement en Scandinavie et Europe du Nord, mais aussi outre-Atlantique ! Le rachat d’Helsingør FC à 51 % est donc officialisé fin mars, pour le prix de 7,1 millions de couronnes danoise DKK, soit l’équivalent de 1,2 millions de dollars américains $. Une belle somme pour une écurie danoise destinée à descendre en troisième division danoise !
Voir arriver des investisseurs américains dans le football européen, rien de plus banal ces dernières années. Cependant, dans un pays comme le Danemark, le football est encore très peu développé sur le marché américain. Ce rachat pourrait donc ouvrir la voie à d’autres investissements en Scandinavie en provenance du pays de l’oncle Sam. Mais alors, qu’est-ce qui a poussé Jordan Gardner et ses associés à venir au Danemark, plus particulièrement à Helsingør ? Quels sont concrètement, les finalités de ce projet ? Et comment le Helsingør FC sortira métamorphosé ?
Tout d’abord, ce projet a pour but de favoriser le développement et l’intégration des jeunes générations de joueurs américains sur le sol européen. En effet, d’un point de vue culturel, le Danemark enseigne très tôt à ces élèves la langue anglaise. Ainsi, il n’y a pas de barrière de la langue à surmonter, puisqu’en plus du danois, tout le monde parle l’anglais, favorisant l’intégration des joueurs américains. Par ailleurs, le championnat danois est relativement souple concernant les mesures restrictives à propos de l’utilisation des joueurs étrangers. Il est ainsi, possible pour une équipe comme Helsingør FC, d’aligner dès le début du match, une équipe de 11 joueurs étrangers. Ce n’est cependant pas l’objectif envisagé, puisque les pépites américaines commenceront leur intégration à l’académie, avant de progressivement intégrer l’effectif professionnel, si ces joueurs sont amenés à rester au club.
Le Danemark peut être exploité comme un tremplin par les jeunes américains désirant jouer dans un grand championnat européen, ou même être repéré par une écurie de MLS ou USL. En effet, les championnats professionnels au Danemark sont très surveillés par les agents de toutes nationalités, souhaitant dénicher des pépites. La Superligaen est par ailleurs diffusée sur des chaînes de télévision domestiques, mais également en streaming sur internet, avec l’expansion des paris sportifs où certains sites diffusent les matchs danois ! La 1st division est également diffusée sur les chaînes nationales permettant la visibilité nationale du jeu à cet échelon, où évoluait Helsingør FC lors du rachat du club.
Géographiquement, le club est situé dans une ville portuaire de la côte est de l’île de Seeland, face à la Suède et sa 8e plus grande ville, Helsingborg et ses presque 100.000 habitants et son club sept fois champion de Suède, séparés du Danemark de seulement 4 kilomètres par le détroit d’Øresund ! Ainsi, le club est également connu et les matchs danois sont suivis en Scandinavie, tout particulièrement en Suède.
À noter tout de même que plusieurs joueurs américains évoluant en Scandinavie, et en particulier au Danemark, ont été appelés avec les différentes sélections représentant les Etats-Unis. C’est le cas de Jonathan Amon, joueur du Norsdjaelland FC qui avait été appelé en sélection A. Plus récemment a été appelé Christian Cappis , joueur du Hobro IK, qui n’était cependant pas entré en jeu. De son côté, Emmanuel Sabbi, du temps où lui aussi jouait pour Hobro IK avait été sélectionné avec les moins de 20 ans, avec qui il a gagné le championnat de la CONCACAF, puis disputé le mondial en allant jusqu’en quarts de finale.
En ce qui concerne l’aspect financier du projet, les dirigeants américains souhaitent engranger des bénéfices en faisant révéler les pépites et en les transférant dans de plus grosse écuries danoises, mais aussi partout en Europe. Par ailleurs, le club d’Helsingør FC s’est démarqué des autres écuries scandinaves à racheter. En effet, le club ne coûtait pas si cher par rapport à des équipes de première division au Danemark, ou en Norvège. Ceci a permis à Jordan Gardner de construire un projet sportif solide peu coûteux, sachant que le club est de plus doté d’une académie et d’infrastructures modernes, avec notamment un nouveau stade. Enfin, les matchs étant diffusés, il y a donc des revenus engrangés grâce aux droits TV, toutefois bien minces comparés à ceux des principaux championnats européens.
Alors que l’objectif principal est de faire jouer en Europe des pépites américaines, pourquoi aujourd’hui, le club joue sans joueurs américains ? Quelles sont les difficultés surmontées pour mettre en place ce projet ? Et comment la direction compte monter une grande institution du football danois tout en imposant son modèle sportif ? Le projet américain prend forme, lentement et sûrement pour fonder des bases solides pour l’avenir.
Lorsque les américains débarquent à Helsingør, le club est en proie à de grandes difficultés.
Tout d’abord, sur le plan sportif. Le club descend à l’issue de la saison 2018/2019 en 2nd division après une 11e place sur 12, soit la deuxième descente consécutive. Bien que les américains avaient anticipé cette descente, ils durent repartir à zéro pour faire remonter l’équipe le plus rapidement au second échelon. Jordan Gardner décide alors de chasser l’ambiance toxique afin d’assainir le club. Dès juillet 2019, un nouveau staff débarque avec la nomination d’un nouvel entraîneur, à savoir celui qui occupait le poste d’adjoint à Randers en Superligaen, Morten Eskesen.
En interne, Jim Kirks est devenu le nouveau directeur sportif du club. De plus, c’est la quasi-totalité de l’effectif qui a été renouvelé, avec de jeunes joueurs, et des joueurs d’expérience au Danemark dans les divisions inférieures, ainsi que quelques jeunes joueurs en provenance des Etats-Unis, qui n’ont pour autant pas duré au club. C’est par exemple le cas de Jeremy Rafanello, 19 ans, en provenance de l’Union Academy de l’équipe de Philadelphie en MLS, que l’on retrouve aujourd’hui en USL à l’Indy Eleven. Cependant, le meilleur exemple se nomme Zico Bailey qui a rejoint le club en juillet 2019 à seulement 18 ans, et qui après à peine une demie saison au Danemark, a été transféré en MLS du côté du Cincinnati FC !
D’un point de vue financier, alors que Gardner a découvert un club au bord de la faillite, il était urgent de remonter tout de suite dans la division supérieure. Et après une longue pause causée par la pandémie de Covid-19, la troisième division danoise a repris au début de l’été. Et c’est le 4 juillet 2020, jour de fête nationale aux Etats-Unis, après avoir remporté le groupe 1 d’une phase régulière réduite, que le Helsingør FC décroche son billet de retour en 1st division, en tenant en échec Jammerbugt (0-0). Ils remportent ainsi la 2nd division devant Aarhus Fremad à la différence de buts (54 points, +46 pour Helsingør, +42 pour Aarhus), et la seule place garantissant la promotion à l’échelon supérieur, restructuration de la Superligaen oblige.
Cette promotion immédiate a soulagé les finances du club. Elle a ainsi assuré pour la saison 2020/2021, 3.000.000 DKK, soit l’équivalent de 455.000$ de droits TV pour la seconde division (contre seulement 100.000 DKK en 2019/2020 à l’échelon inférieur). S’ajoute à cela la valeur du club, que les propriétaires ont estimé croissante de 50 %. Gardner aura d’ailleurs déclaré que le titre et la promotion sont la réalisation la plus gratifiante de sa vie professionnelle. Pour autant, on suppose que le meilleur est à venir.
Désormais, les intentions des dirigeants américains sont de bâtir une institution solide au Danemark. Pour cela, Jordan Gardner mise sur le développement de l’académie et des jeunes. Or, pandémie du Covid-19 oblige, le club n’a pas pu recruter de joueurs américains lors du mercato estival car les liaisons avec l’Europe étaient coupées. Ceci explique que seulement deux ans après la mise en place du projet de développement des joueurs américains à Helsingør, le club se retrouve sans aucun joueur américain à disposition de l’effectif principal ! Le président à donc dû utiliser des joueurs issus de son réseau en Océanie, en Nouvelle-Zélande et en Australie.
En juillet 2019, il fait venir Elijah Just en attaque, et Dalton Wilkins en provenance de l’Eastern Suburbs AFC, le champion néo-zélandais 2018/2019. Lors de l’été 2020, c’est Callum McCowatt, leur ancien coéquipier en Nouvelle-Zélande, qui les a rejoint à Helsingør après une saison dans la franchise néo-zélandaise du championnat australien, les Wellington Phoenix. Soulignons tout de même que ces trois joueurs ont joué pour la sélection des moins de 20 ans de la Nouvelle-Zélande, et que McCowatt et Just ont été sélectionnés en équipe A de la Nouvelle-Zélande fin 2019.
En ce qui concerne les infrastructures, le club dispose d’un nouveau stade inauguré en août 2019, toujours sous le nom d’Helsingør Stadion. Il est doté d’une capacité pouvant aller jusqu’à 1.000 places assises et près de 4.000 places au total. L’espace occupé et la capacité d’accueil pouvant être ajustés en fonction de l’ampleur d’un évènement. Et malgré les difficultés rencontrées, le stade est bel et bien fonctionnel aujourd’hui.
A propos de l’image du club, le logo a été changé à l’été 2020. La direction américaine trouvait l’ancien logo un peu trop simple et dépassé de nos jours. Alors ils ont conçu un nouveau logo qui mélange le côté moderne avec un aspect traditionnel, tout en mettant en valeur des symboles de la ville, comme notamment l’aspect maritime.
Cet année, sur le plan sportif, le club a vécu un début de saison en demi-teinte. Tout d’abord, en enchaînant 3 victoires en trois matchs, et en comptabilisant 15 points après seulement sept journées, l’équipe avait bien débuté. Mais depuis, seulement 5 points ont été engrangés en neuf matchs, et Helsingør FC figure à la huitième place, dans le ventre mou, à 1 point de la première moitié de tableau, après 16 journées sur 22 dans cette phase régulière. Pour rappel, le championnat sera scindé par la suite en deux poules de 6 équipes. Une pour viser la montée en Superligaen, l’autre pour se battre pour son maintien.
Terminer dans la première partie de tableau serait bien, mais Jordan Gardner a évoqué qu’il visait de la stabilité en championnat, pour un club qui a connu deux montées en trois saisons, puis subi deux relégations successives avant de remonter au second échelon national. Pour le moment, Helsingør FC est assez tranquille sur ce sujet. La suite, à venir avec la reprise du championnat le 12 février 2021 !
Crédits photos : Transfermarkt, Keepkeen, Twitter @mrjordangardner, fchelsingor.dk