La Maison Jaune
·30 octobre 2024
La Maison Jaune
·30 octobre 2024
Chacun des huit titres du FC Nantes n’occupe pas la même place au sein de notre mémoire. En fonction de notre génération, de notre sensibilité ou de notre vision du foot, certaines saisons nous semblent plus belles que d’autres. On peut juger de la performance réalisée par rapport à l’adversité, mais aussi de la personnalité des joueurs, de l'entraîneur et de ce qui se dégageait du collectif.
Certains considèrent le septième titre du FC Nantes, celui de la saison 1994-1995, comme le plus beau. Il est vrai qu’au niveau purement comptable, l’équipe ne compte qu’une seule défaite en trente-huit rencontres de championnat, une performance jamais réalisée jusqu’alors et jamais renouvelée depuis.
Sur le plan du jeu, l’équipe dirigée par Jean-Claude Suaudeau pratiquait un jeu spectaculaire, basé sur la récupération du ballon et la contre-attaque menée vitesse grand V à coup de passes redoublées et de mouvements incessants. Un art consommé du collectif où le but arrivait comme une évidence après une succession de passes limpides.
En termes de performance, on peut difficilement arguer que la Première Division de l’époque (on ne l'appelait pas encore Ligue 1) était dévalorisée. Nous étions en pleine période où les clubs français obtenaient leurs meilleurs résultats d’ensemble sur la scène européenne. Le Paris Saint-Germain, principal rival du FCNA cette saison-là, atteignait sans être qatarisé la demi-finale de la Ligue des Champions après avoir éliminé le FC Barcelone et baladé le Bayern à Munich.
Le football français n’était pas encore champion du monde, mais la plupart des futurs héros de 1998 brillaient au sein d'un championnat qui n’avait pas encore connu les affres de l’arrêt Bosman. Zidane, Lizarazu et Dugarry enivraient Bordeaux, Djorkaeff, Petit et Thuram faisaient vrombir Monaco alors que les jeunes Patrick Vieira et Thierry Henry découvraient l’élite. Les seuls futurs champions du monde qui évoluaient déjà à l’étranger étaient... Desailly et Deschamps.
Le titre de 1995 est avant tout un miracle. Trois ans plus tôt, le club était sur le point de mettre la clé sous la porte après plusieurs années d’une gestion calamiteuse. La vente forcée des meilleurs joueurs avait contraint le club à aller piocher dans son centre de formation au risque de griller trop vite de réelles promesses.
Or, à la surprise générale, la bande de gamins se mit à jouer les premiers rôles, pratiquant un football frais, alerte et rapide. Après avoir remis le club sur les rails, l’équipe de Jean-Claude Suaudeau se lança, avec une certaine candeur, à la conquête du titre. Ce fut une saison à laquelle même les supporters nantais les plus chauvins n’avaient rêvé.
Ce fut un spectacle quasi-permanent. Chacune des équipes adverses venait à la Beaujoire la trouille au ventre pour se prendre le tarif maison ou bien, lorsqu’elle détenait le titre convoité, avait le droit d’encaisser le plus beau but de l’histoire. A l’extérieur, les jeunes Canaris savaient se sortir de quelques traquenards, quitte à terminer le match à huit ou neuf, selon le nombre de cartons rouges reçus.
C’est cette fabuleuse saison 1994-1995 qu’évoque Fabien Levêque dans son ouvrage paru chez Amphora. Le titre “La belle équipe” fait bien entendu référence au bar-restaurant de la Jonelière où se rendaient souvent les membres et supporters du club. Le livre compte 160 pages toutes en couleurs (en jaune et en vert principalement).
L’auteur y alterne l’évocation des meilleurs moments avec une interview des principaux acteurs : les joueurs (Makélélé, Pedros, Loko, Ferri, Ouédec) l'entraîneur (Jean-Claude Suaudeau), le formateur (Raynald Denoueix) mais aussi quelques entraîneurs adverses toujours pas remis des gifles infligées, tels Luis Fernandez (PSG), Arsène Wenger (Monaco), Frédéric Antonetti (Bastia) et Guy Roux (Auxerre). La préface quant à elle est signée Christian Karembeu, qui en profite pour commenter chacune des images au format Panini de ses coéquipiers.
On découvre à travers les interviews ce qui a toujours fait la grande force du FC Nantes, la priorité donnée au collectif, le jeu en fonction des intentions du partenaire, la vitesse d’exécution (plus que la technique). Les joueurs avouent avoir passé les meilleurs moments de leur carrière au sein du club, notamment lors des entraînements toujours ludiques que leur concoctait leur entraîneur. Certains avouent n'avoir jamais retrouvé dans les autres clubs ce qui faisait la richesse du FCN, un véritable crève-coeur pour les supporters et dirigeants qui ont vu partir leurs joyaux un à un et mettre fin au rêve éveillé.
Les nombreuses photographies de l’ouvrage, à défaut de sortir de l’ordinaire, nous plongent au contraire dans la fabrique à souvenir, celle d’un FC Nantes dominateur et incroyablement joueur, celle d’une équipe quasiment surgie du néant et qui est finalement restée dans l’histoire du club, mais aussi du football français tout entier.