BeFootball
·16 janvier 2024
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Depuis 1998, année de la première expérience d’Hubert Velud, l’entraîneur français a traversé l’Hexagone, les pays, et les continents, entre Asie et Afrique. Cette dernière l’a définitivement marqué, et au fer, d’une chaleur aussi brûlante que l’ambiance qu’il décrit du peuple africain. Arrivé en avril 2022 à Ouagadougou, il découvre la vie d’une sélection quatrième de la dernière édition de la Coupe d’Afrique des nations, pour sa quatrième expérience en sélection. Hasard ou non, il se sent prêt à « faire mieux » qu’une demi-finale, lors de cette Coupe d’Afrique.
Dans la peau d’un demi-finaliste de la dernière édition, est-ce qu’il faut attendre mieux de la part du Burkina, ou les résultats passés ne comptent pas pour vous ?
Bien sûr. Les résultats passés comptent forcément. En finissant quatrième, le Burkina a mis la barre très haut. Personnellement, j’ai accepté ce challenge en connaissance de cause, et donc en voulant faire mieux que quatrième. Compte tenu du rapport de force qui existe, cette année, dans cette Coupe d’Afrique des nations, ça ne sera pas simple, mais c’est possible. Nous avons un excellent groupe, qui est solidaire. Nous pouvons faire mieux que quatrième, et pourquoi pas aller chercher le Graal.
Le Burkina Faso peut-il représenter une menace dans cette Coupe d’Afrique des nations ?
J’y compte bien. Globalement, être un favori, c’est autre chose. La Coupe d’Afrique des nations se joue en Côte d’Ivoire, un pays géographiquement et culturellement assez proche du Burkina Faso. La motivation est vraiment grande pour faire une belle compétition. Nous pouvons donc dire que nous faisons partie des favoris.
Le Maroc, demi-finaliste du Mondial 2022, la Côte d’Ivoire, pays organisateur, le Sénégal champion en titre, ou encore l’Algérie, qui veut reprendre sa couronne. Le chemin risque d’être sinueux…
C’est assez difficile de savoir qui va prendre la couronne. Effectivement, il y a d’immenses nations avec de beaux effectifs, et avec leurs stars. Cela va être une Coupe d’Afrique vraiment ouverte. Mais bon, il faudra aussi compter sur des nations comme l’Afrique du Sud, le Mali, et le Burkina Faso. Ils peuvent tirer leur épingle du jeu.
Comment se faire une place dans un continent qui est en train de changer de dimension ?
C’est une belle question qui mérite un long débat. Justement, les nations africaines sont de plus en plus proches les unes des autres (en termes de niveau, ndlr). Il y a beaucoup d’homogénéités. Je pense que sur le long terme, la formation fera la différence. Sur le court terme par contre, nous verrons ce qu’il se passe lors de la Coupe d’Afrique. Je le répète, il y a des nations qui ont une certaine dynamique, et qui peuvent profiter de ça.
Est-ce la Coupe d’Afrique la plus relevée de l’histoire du continent ?
Clairement. Je pense que ça le sera, au vu des équipes et des forces qui y sont présentes. Tous les matchs vont être très serrés. Je pense qu’il n’y aura pas énormément d’écart entre chaque équipe.
La Coupe d’Afrique des nations n’est-elle qu’une étape de plus dans la progression du Burkina Faso, ou bien le moment parfait pour marquer l’histoire de la sélection ?
La Coupe d’Afrique des nations est extrêmement importante pour les pays africains. C’est presque une fin en soi. Je dirais que c’est la compétition la plus importante, même pour chaque peuple. Je pense que pour les peuples, elle est plus importante que la Coupe du monde.
Nous ne somme qu’à deux ans du Mondial 2026, et les Burkinabés n’ont jamais concouru dans la compétition… Comment visualisez-vous cette écheance ?
Pour le coup, nous n’y pensons absolument pas. Comme je le dis, la Coupe d’Afrique est presque une fin en soi.
S’il fallait mettre en avant une qualité dans votre groupe, laquelle serait-elle ?
La principale qualité, c’est la solidarité. C’est notre grand état d’esprit. Il y a une véritable cohésion, car c’est une équipe qui se connaît depuis pas mal de temps déjà, avec deux générations dans l’équipe. Une plus jeune, qui émerge, une plus ancienne qui a déjà beaucoup d’expérience vis-à-vis des Coupes d’Afrique des nations passées. Elles cohabitent vraiment bien, et c’est ce qui fait notre force.
« On m’avait appelé aux alentours de 17h, et à 23h, j’étais déjà dans l’avion pour le Togo. »
Edmond Tapsoba semble être dans la forme de sa vie. De quel oeil voyez-vous cela ?
Oh la forme de sa vie, je ne pense pas ! Je pense que Tapsoba peut faire encore mieux. Il est jeune, mais il va prouver dans les années à venir qu’il peut faire plus. Il est déjà très fort. Mais avec toutes les expériences qu’il va acquérir, qu’elles soient internationales, avec le Burkina Faso, mais aussi avec Leverkusen, il sera de plus en plus fort.
23 expériences et 452 matchs en 30 ans comme tacticien, ça use ?
Les chiffres sont justes (il sourit), mais non ! Cela ne m’use pas, car sinon, je ne serais pas là. Je pense qu’avec du temps et de l’expérience, on s’améliore dans ce métier. Ces vingt-trois passages et tous ces matchs m’ont été vraiment utiles. La motivation est là, et la santé avec, donc non, je ne suis pas usé. Ce qui compte pour faire ce métier, c’est d’être bien dans sa tête et dans son corps. Il faut s’entretenir aussi, et ne pas se sentir usé. Sinon, il faut arrêter tout de suite.
Quelle expérience vous a le plus marqué parmi celles-ci ?
Il y a en a beaucoup. On peut commencer par le Togo. Cela m’a forcément marqué humainement, avec ce qu’il s’est passé (un attentat, en Angola. Le bus de la sélection, en route vers la CAN 2010, avait été attaqué à la mitraillette dans l’enclave de Cabinda. Deux personnes sont décédées et le Togo a déclaré forfait, ndlr). Ensuite, il faut passer par l’Algérie, où j’ai gagné beaucoup de titres (2 Coupes d’Algérie, 1 Supercoupe) et où je suis resté cinq ans. C’est un pays que j’affectionne particulièrement, et qui me le rend bien. Je suis attaché à l’Algérie. En République démocratique du Congo, au TP Mazembe, nous avons remporté la Coupe d’Afrique des confédérations (C3).
Ça a été très important dans ma carrière de remporter une Coupe. Le Soudan (2020-21) m’a beaucoup marqué parmi celles-ci. Nous nous sommes qualifiés pour la Coupe d’Afrique, ce qui n’était pas arrivé pendant dix ans. L’état d’esprit, en termes d’expérience humaine, était exceptionnel. Pour finir, le Burkina Faso, une belle expérience aussi. Voilà vingt mois que je suis ici, et ça se passe très bien. Nous nous sommes qualifiés vraiment tôt. C’est un groupe que je connais par cœur, et à qui je peux demander certaines choses.
Que retenez-vous de vos expériences en France ?
Ça commence à dater un peu (il rigole). La France reste le pays qui m’a formé en tant que coach. On ne le dit pas assez, mais la formation de départ pour entraîneur est excellente. J’ai eu de belles expériences aussi, c’est vrai. J’ai bourlingué en National (Beauvais, Toulon, Cherbourg) et en Ligue 2 (Clermont, Créteil), dans des bons clubs. L’Afrique, c’est autre chose. Il faut savoir s’adapter. Il ne faut pas venir avec ses certitudes européennes, et avoir une grande capacité d’adaptation.
« Même avec l’Olympique de Marseille en France, l’ambiance n’est pas comparable avec l’Afrique. Dans certains clubs en Algérie, c’est dix fois plus d’ambiance et de pression qu’à l’OM. »
À quoi correspond votre vie au moment où vous décidez de prendre les rênes du Togo, votre première expérience en tant que sélectionneur ?
C’est vrai, je suis parti au Togo du jour au lendemain. On m’avait appelé aux alentours de 17h, à 23h, j’étais déjà dans l’avion (sourit). J’avais toujours pensé dans un coin de ma tête aller en Afrique. C’est un continent qui m’a toujours attiré, pas forcément pour son football, mais par sa manière de vivre et d’être. Quand je suis partie, je n’ai même pas réfléchi. Je savais que l’Afrique me convenait et allait me plaire. Au Togo, nous avons eu des problèmes, mais cela ne m’a pas empêché de revenir, au contraire, car je suis toujours là !
Hormis votre retour à Créteil juste après, vous n’avez exercé qu’exclusivement en Afrique pendant les huit années suivantes, et hors d’Europe jusqu’à aujourd’hui. Pourquoi ce choix ?
J’ai tout simplement une bonne image et une bonne côte en Afrique, ce qui fait plaisir. J’ai ce privilège de pouvoir choisir certains projets, ou pas. C’est aussi en partie grâce à mes agents (Overdose Sport), qui font du bon travail. Ce qui n’est pas évident en étant un jeune entraîneur. Des fois, il faut aller dans des endroits qui sont un peu difficiles, et où on prend des risques.
J’ai eu la chance de choisir de beaux projets. C’est pour ça que je suis allé au Burkina Faso, car je crois en cette équipe. C’est vrai que dans ce métier, quand on a le choix, il faut en profiter. Maintenant, j’ai une certaine expérience, donc j’essaie de choisir au mieux mes projets.
Avez-vous vu un potentiel immense en arrivant sur le continent ?
Je regarde beaucoup le potentiel maintenant, par rapport à une potentielle venue. C’est ce que j’ai fait avec le Burkina Faso. Ils ont déjà mis la barre très haut en finissant quatrième lors de la dernière édition. Il faut faire mieux, ce qui n’est pas rien. J’ai accepté ce challenge de faire encore plus progresser le Burkina Faso. On verra bientôt s’il sera relevé ou non.
L’ambiance en Afrique, comment la décririez-vous ?
L’ambiance ici est indescriptible. Elle ne se raconte pas, mais se elle se vit. L’Afrique est un vrai continent de football. Les gens ont une passion indescriptible pour le football, les entraîneurs, les joueurs… Dans certains pays : l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, l’Égypte, dans lesquels je suis passé dans de grands clubs, il y a une passion indescriptible. Pour comparer même avec l’Olympique de Marseille en France, ce n’est pas comparable avec l’Afrique. Dans certains clubs en Algérie, c’est dix fois plus d’ambiance et de pression qu’à l’OM.
Voir un pays africain en demi-finale de Coupe du Monde, le Maroc a rendu ça possible dans les esprits de tous. Quand pensez-vous que ça sera le cas pour la gagner ?
Un jour, un pays africain remportera la Coupe du Monde. Je le pense et je le souhaite de tout mon cœur. Le Maroc n’était pas loin la dernière fois. Je pense que ce parcours-là doit complètement décomplexer certains pays. Ils ont tous des potentiels énormes, autant que ceux d’Europe ou d’Amérique latine. Il n’y a donc aucun complexe à faire.