Lucarne Opposée
·8 mars 2025
Preston Lions - South Melbourne : Une rivalité historique

Lucarne Opposée
·8 mars 2025
Entre Preston Lions et South Melbourne, l’enjeu sportif de ce début de saison en National Premier League du Victoria passe presque au second plan. Ce duel résonne bien au-delà des simples trois points en jeu. Il est le reflet d’une histoire complexe, faite d’exil, de rivalités identitaires et d’une passion féroce pour le football.
Dans l’enceinte du Genissteel Stadium de Darebin, l’ambiance est brute, authentique. Les tribunes basses plongent dans une semi-obscurité, seules les parties supérieures captent les faisceaux lumineux. Le nom du club s’affiche en grand sur une immense bâche : Preston Lions FC. Près de neuf mille spectateurs s’entassent pour un stade doté de seulement huit cent places assises. Le football australien retrouve son ancrage populaire, sa ferveur communautaire. En face, South Melbourne, l’un des clubs les plus prestigieux du pays, berceau d’Ange Postecoglou, aujourd’hui à la tête de Tottenham. Deux clubs, deux identités : les locaux, une formation issue de la communauté nord-macédonienne, face aux visiteurs, un monument du football grec en Australie.
Il était une fois le football en Australie, un héritage multiculturel
L’histoire de ce derby s'inscrit dans les fractures issues de la fin du XXe siècle. Avec l’éclatement de l’ex-Yougoslavie et l’indépendance de la Macédoine en 1991, la rivalité entre les communautés grecque et macédonienne s'est exportée en Australie. Pour Athènes, l’utilisation du nom « Macédoine » constituait une revendication territoriale sur la région historique du même nom. Sur le sol australien, cette tension diplomatique s'est traduite par des affrontements récurrents entre supporters des deux formations. Dans les années 1990 et 2000, la National Soccer League était le théâtre de heurts violents, notamment entre Preston et South Melbourne. Ce passé sulfureux a poussé la Fédération australienne à instaurer en 2005 une A-League épurée de toute connotation ethnique, dans une volonté d’universalisation du football national. Toutefois, cette décision a aussi marginalisé des clubs historiques, forcés de repenser leur place dans l’échiquier footballistique et quitter leur ADN. Une règle suspendue depuis. L’Accord de Prespa, signé en 2018, a réduit les tensions diplomatiques en instaurant l’appellation « Macédoine du Nord ». Si l’affrontement entre Preston et South Melbourne peut désormais se dérouler sans incidents majeurs, la ferveur identitaire est désormais source de rassemblement. Sauf à la 25e minute de la rencontre. Un tacle trop appuyé et un attroupement général afin d’évacuer la pression pour les visiteurs.
Alors que la A-League peine à remplir ses stades surdimensionnés, les clubs historiques de la NPL captent une audience grandissante. En 2025, Preston et South Melbourne intégreront le Championship, la future deuxième division australienne. Cette intégration constitue une étape cruciale dans la structuration du football national, tant ces clubs disposent d’un ancrage local fort et d’une base de supporters engagés. Ils représentent dorénavant l’avenir après avoir été banni des plans de structuration du football national. Les formations issues des communautés européennes ont su se professionnaliser et optimiser leurs infrastructures depuis quelques années. Leurs affluences dépassent parfois celles des écuries de première division et leur compétitivité n’est plus à prouver. Depuis son retour en 2014, la Coupe d'Australie a vu émerger ces formations issues des divisions inférieures, à l’image de South Melbourne, demi-finaliste en 2024.
L’attractivité de ces clubs se traduit également par l’arrivée de joueurs du niveau de la A-League. Preston compte dans ses rangs Aaron Anderson, Matthew Bozinovski et Stefan Nigro, champion avec Melbourne Victory en 2018. De son côté, South Melbourne aligne George Mells, sacré avec Adelaide United en 2016, ainsi que Ross Archibald et Andy Brennan, anciens pensionnaires de la A-League n’ayant jamais percé. Sur le terrain, l’intensité l’emporte sur la qualité technique. Aucune frappe cadrée en première mi-temps, un jeu haché, deux formations qui se regardent. Le tournant intervient en seconde période avec l’expulsion du portier de South Melbourne. Carton rouge, penalty pour Preston. Le Genissteel Stadium explose, les fumigènes s’allument et Gian Albano libère les siens avant de communier avec le kop des Preston Boys. Quatre tirs cadrés sur l’ensemble du match, deux buts à zéro pour Preston.
Lors de la prochaine journée Preston affrontera Avondale, formation d’héritage italien, tandis que South Melbourne se mesurera au Dandenong Thunder SC, référence de la communauté albanaise. Le football australien, vingt ans après le lancement de sa ligue fermée, souvent perçue comme une compétition en quête d'identité, pourrait bien trouver dans ces clubs à l’héritage fort un relais essentiel pour renforcer son ancrage et redynamiser ses compétitions nationales. C’est ce qu’ils pensent et croient à travers la future deuxième division où l’héritage était un critère essentiel de sélection.
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