God Save The Foot
·6 mai 2020
God Save The Foot
·6 mai 2020
Capitaine de Southend United cette saison, Timothée Dieng a déjà une solide carrière en Angleterre derrière lui. Passé par Oldham et Bradford, le défenseur central de 28 ans, originaire de la région grenobloise, a fait son trou en Football League et souhaite voir plus haut.
J’ai commencé le football à l’âge de 9 ans, à Villard-Bonnot, le club à côté de chez moi, en poussin deuxième année. Je jouais au poste de gardien (sourire). En fait, j’étais un fan de Fabien Barthez. Mais au bout de six mois, je commençais à m’ennuyer dans les cages car on avait une bonne équipe sur le terrain et je n’avais pas grand-chose à faire pendant les matches. Au final, je suis passé du poste de gardien à attaquant (rires). Je ne me voyais pas faire autre chose que du football dans la vie, c’était un vrai objectif de devenir professionnel. J’étais un grand fan de l’équipe de France. À l’époque, je ne regardais pas les matches de Division 1. Par contre, j’avais regardé tous les matches de la Coupe du monde 1998. J’avais acheté toutes les cassettes du tournoi (sourire). On les regardait en boucle avec mes frères. Je devais avoir 6 ou 7 ans.
Mon parcours est assez linéaire, j’ai d’abord fait une saison à Villard-Bonnot. Au bout d’une année, Grenoble m’a repéré et je suis allé faire un test là-bas. Il s’est bien passé et j’ai signé en benjamin première année. Puis, j’ai fait toute ma formation au sein du GF38 jusqu’à mes 19 ans. À l’époque, Grenoble avait de gros soucis financiers et venait d’être relégué administrativement en CFA2. Personnellement, je sortais d’une grosse saison avec les U19. On avait été jusqu’en finale des playoffs du championnat contre le PSG. Malheureusement, on avait perdu. Derrière, un agent m’a contacté pour aller faire un essai à Brest qui a été concluant. J’ai donc signé pour jouer avec l’équipe réserve du Stade Brestois.
J’aurais pu rester à Grenoble, mais la situation ne me convenait pas tellement. L’entraîneur qui avait repris l’équipe première était l’un de mes anciens coachs en jeune. Il ne me faisait pas beaucoup jouer. Je me disais qu’il n’allait pas me faire jouer et que j’allais cirer le banc, voire ne pas être dans le groupe. Brest était très intéressé de m’avoir dans ses rangs. J’avais parlé au coach de la réserve par téléphone et il était vraiment satisfait de mon jeu, de mes qualités. Je me suis dit pourquoi pas, d’autant qu’il y avait également l’opportunité d’intégrer rapidement l’équipe professionnelle. À Grenoble, j’allais jouer en CFA2. Il n’y avait pas de pallier.
Deux mois après mon arrivée, j’étais sur le banc au Parc des Princes face au Paris Saint-Germain
Je suis arrivé là-bas pour jouer avec la réserve, mais au bout d’un ou deux mois, j’ai commencé à intégrer les rangs professionnels. J’ai même fait plusieurs bancs en Ligue 1. Je me souviens, deux mois seulement après mon arrivée, j’étais sur le banc au Parc des Princes face au Paris Saint-Germain (rires). Malheureusement, une semaine après ce déplacement, je me déchire l’ischio. Cette blessure a pas mal freiné ma progression. Je me suis soigné et puis, je suis retourné jouer avec la réserve pendant quelques mois. Puis, je suis revenu avec les pros. En fait, j’alternais entre la réserve et le groupe pro. Un an et demi après mon arrivée, je me suis posé pas mal de questions. Je n’avançais pas. Je jouais toujours avec la réserve.
Lors de ma deuxième saison à Brest, j’avais même demandé à mon agent qu’il me trouve un autre point de chute. Il m’avait dégoté un essai au Betis Séville, en Espagne. Je suis parti faire cet essai au sein de la réserve du club. Il s’était avéré concluant et le Betis m’avait proposé un contrat dans la foulée. Mais Brest ne voulait pas me faire partir à ce moment-là. Ils m’ont proposé un contrat pro d’un an et demi. J’ai finalement décidé de rester. Des regrets ? Je ne sais pas vraiment. Le Betis me proposait un contrat de dix-huit mois avec leur réserve avec une option de 3 ans avec l’équipe première. C’était risqué pour moi de partir là-bas car un contrat n’était pas forcément une garantie. J’aurais peut-être dû, mais ça, on ne le saura jamais.
Finalement, ce n’est qu’en fin de saison que j’ai eu réellement ma chance avec les pros en disputant les deux dernières rencontres de la saison en tant que titulaire face au PSG au Parc et ensuite, contre Nancy à Francis-Le Blé. Être face à de tels joueurs pour une première, c’était incroyable. D’habitude, je jouais uniquement avec ces joueurs sur la Playstation (rires). Même si le PSG était déjà champion et qu’ils avaient pris le match un peu à la légère, c’était difficile pour moi. En plus, je revenais de blessure à l’époque et physiquement, je n’étais pas au top. À la fin du match, je suis sorti à cause de crampes (sourire). Je garde un souvenir mitigé de de ce match. Certes, j’ai joué contre Ibrahimovic, Beckham, Matuidi, mais au final, on a perdu et le club est descendu à l’issue de la saison.
Le coach Alex Dupont ne m’a donné aucune explication, je n’existais plus pour lui
Contrairement à d’autres joueurs, je suis resté au club malgré la descente en Ligue 2. Au début de la saison, tout se passait bien. J’étais titulaire lors des deux premières journées du championnat, contre Châteauroux et Istres. Le coach était plutôt content de mes performances. Après le match face à Istres, le club a recruté un joueur à mon poste : Simon Falette qui joue maintenant à Fenerbahçe. Derrière, je n’ai plus joué avec l’équipe première. J’ai évolué avec la réserve toute la saison. Le coach, Alex Dupont, ne m’a donné aucune explication. Je n’existais plus pour lui (rires). À l’issue de la saison, j’ai décidé de partir. J’aurais aimé jouer beaucoup plus à Brest et m’imposer, mais c’est le football. On ne peut pas refaire l’histoire.
À ce moment-là, mon frère vivait en Angleterre. Il était en contact avec un agent anglais et forcément, il lui a parlé de moi. Je suis rentré en contact. Il m’a trouvé un essai à Oldham (League One), je suis parti quelques jours là-bas. Au bout de deux entraînements et d’un match de pré-saison, le club m’a proposé un contrat de deux ans que j’ai accepté. En Angleterre, c’était la seule proposition que j’avais. En France, il y en avait quelques-unes, mais la plupart des clubs évoluaient en CFA (National 2) ou en CFA2 (National 3). Je me suis dit, autant tenter le coup en Angleterre. Le challenge est plus intéressant.
Même si la ville avait été au milieu de nulle part, j’y serais quand même allé, je n’avais pas d’autres choix !
J’ai toujours voulu venir ici. À la base, je suis un grand fan d’Arsenal. J’aimais beaucoup le foot anglais quand j’étais plus jeune. En France, il a une excellente réputation, y compris dans les divisions inférieures. Tu sais que les fans, en Championship, en League One ou en League Two, viennent en nombre. Les stades sont bondés, il y a de bonnes ambiances. C’est un pays de football. Donc, forcément, j’étais attiré par l’Angleterre. Dès que l’agent m’a dit que j’avais une proposition là-bas, j’ai dit : “Allez, j’y vais” (rires). Même si je ne vais pas mentir, avant d’aller à Oldham, je ne connaissais pas du tout le club. J’ai quand même fait des recherches au préalable sur internet (rires). J’ai vu que la ville était juste à côté de Manchester et pas au milieu de nulle part. Mais bon, même si la ville avait été au milieu de nulle part, j’y serais quand même allé (sourire). Je n’avais pas d’autres choix (rires).
Les premiers mois là-bas ont été assez difficiles. Au début, j’étais tout seul à l’hôtel. Je ne parlais pas super bien anglais. Mais bout de trois ou quatre mois, les choses ont commencé à s’arranger car je me suis installé chez moi et j’ai commencé à mieux comprendre la langue avec mes coéquipiers. Lors de ma première saison, j’ai disputé vingt-six matches, ce qui est peu ici (rires). En France, tu te dis que c’est presque une saison pleine, mais pas en Angleterre. L’équipe s’est maintenue en League One à l’issue de la saison. Puis, la deuxième a commencé plus difficilement. On a rapidement changé d’entraîneur. D’ailleurs, pour l’anecdote, pendant mes deux saisons à Oldham, le club a changé cinq fois d’entraîneur (rires). Il fallait s’adapter en permanence.
Lors de ma deuxième saison, le coach David Dunn ne me faisait pas trop jouer et si c’était le cas, je jouais au poste de latéral droit, ce qui n’est absolument pas mon poste. Au bout d’un moment, il m’a repositionné en défense centrale et à partir de là, j’ai commencé à enchaîner les matches. Le coach a été viré en janvier à cause des mauvais résultats et le nouveau coach (John Sheridan), qui m’aimait bien, a continué à me faire jouer en défense centrale. Puis, après dix matches joués, il m’a repositionné en tant que milieu défensif car un joueur venu en prêt, était retourné dans son club. On s’est maintenu assez facilement et à l’issue de la saison, les fans du club m’ont élu meilleur joueur de la saison. J’ai donc forcément préféré ma deuxième saison à la première (rires).
En League one, j’ai appris ce qu’était le “football d’hommes”
Au bout de deux ans, j’ai eu le sentiment d’avoir passé un cap car, au final, je venais de disputer mes deux premières saisons complètes au niveau professionnel. À Brest, je n’avais fait que six matches sur plusieurs saisons en Ligue 1 et en Ligue 2. J’avais passé une grande partie de mon passage là-bas en CFA2, ce qui n’est pas du tout le même niveau que la League One. J’ai appris ce qu’était le “football d’hommes” entre guillemets (rires). Mais j’ai aussi appris beaucoup de choses tactiquement, techniquement et physiquement durant mes années à Oldham. Je ne regrette pas ce choix à l’arrivée, car j’en suis sorti grandi.
Le rythme du championnat ? Franchement, c’était dur au début. Mais encore aujourd’hui ça l’est (rires). On n’a pas de trêve hivernale avec le Boxing Day, ni de trêve internationale, contrairement à la Premier League ou le Championship. En gros, dès que tu commences le championnat au mois d’août, tu as minimum un match toutes les semaines, si ce n’est pas deux en fonction du calendrier. Et ce, jusqu’à la fin de la saison, en mai. Tu n’as pas de temps de repos. Tu ne peux pas t’aérer l’esprit et couper du foot comme ça peut être le cas en France avec les fêtes de Noël. C’est un rythme infernal. C’est plus facile quand tu joues. Si tu ne joues pas, tu subis ce rythme. Tu dois toujours t’entraîner, quoi qu’il arrive. Tu ne te reposes pas. Comme je jouais, c’était bien mieux pour moi.
À la fin de ma deuxième année à Oldham, j’ai eu une réunion avec le coach et le président. Le club voulait me prolonger de deux ans. Mais la proposition de prolongation n’est jamais arrivée sur la table (sourire). J’étais libre de m’engager ailleurs. Mon agent m’a alors proposé d’aller faire un essai à Bradford City (League One). Je suis parti faire cet essai et, de la même manière qu’à Oldham, j’ai signé deux ans pour eux, au bout de deux entraînements et un match de pré-saison. J’avais eu également une proposition de Bury à l’époque. Le club me proposait directement un contrat, sans faire d’essai. En fait, ils étaient venus me voir lorsque je faisais mon essai à Bradford. Moi, j’attendais la réponse de Bradford car le projet me plaisait davantage. J’en faisais même ma priorité. L’environnement me plaisait, le coach avait des idées de jeu qui me convenaient, je m’entendais bien avec les joueurs. Au final, j’ai eu raison de privilégier Bradford à Bury car le club a fait faillite récemment (été 2019).
À Bradford, j’ai retrouvé un autre joueur français : Romain Vincelot. C’était le premier joueur français avec qui je jouais en Angleterre. J’avais une bonne relation avec lui. Lors des déplacements, on faisait chambre ensemble. Qu’est-ce qu’il m’a apporté ? Il m’a donné beaucoup de conseils. C’est un mec qui était en Angleterre depuis plusieurs années à mon arrivée. Il avait beaucoup d’expérience à ce niveau. C’était bénéfique pour moi de jouer à ses côtés.
Les fans de Millwall sont rentrés sur la pelouse au coup de sifflet final et nous narguaient, ce n’était pas évident à vivre sur le moment
La première saison que j’ai passée là-bas est sans doute, encore aujourd’hui, la meilleure de ma carrière. On a été jusqu’en finale des playoffs contre Millwall à Wembley. Malheureusement, on a perdu cette finale. Un vrai coup de massue. D’autant que les fans de Millwall sont rentrés sur la pelouse au coup de sifflet final et ils nous narguaient (rires). Ce n’était pas évident à vivre sur le moment, même si Wembley reste un stade mythique. Pour le match contre Millwall, il n’était pas plein, mais il devait y avoir 42 000 personnes dans les tribunes. De mon côté, j’avais ramené une quinzaine de personnes au match. Après, bien sûr, j’aurais préféré gagner le match et monter en Championship, mais ça reste une belle expérience au final.
À Bradford, je jouais quasiment tous les matches. Ce que j’aimais aussi, c’était le jeu que l’on prônait. Il était basé sur la possession du ballon. Je ne retiens que du positif de cette première saison à Bradford. Lors de la deuxième saison, les choses étaient différentes. On a bien commencé le championnat, mais à partir de janvier, alors qu’on était dans la zone des playoffs, on a aligné six défaites de rang. Ça nous a plombé. Le coach s’est fait virer. Un autre est arrivé et les résultats n’ont guère été mieux. À la fin du championnat, on a terminé 11e. C’était décevant car je pense qu’on avait largement les capacités et l’effectif pour atteindre au moins les playoffs.
Au niveau des infrastructures, il y avait de grandes différences par rapport à Oldham, notamment du côté du centre d’entraînement. À Oldham, on se changeait au stade et après, on prenait nos voitures pour se rendre jusqu’au terrain d’entraînement qui n’était pas à côté. Une fois l’entraînement terminé, on retournait au stade pour se changer et manger à midi. C’était un peu galère (rires). À Bradford, il n’y avait pas besoin de faire tout ça car tous les équipements étaient sur place. L’autre différence, ce sont les fans. À Oldham, il y avait en moyenne 6 000 personnes au stade, ce qui est déjà pas mal pour de la League One. Mais à Bradford, la moyenne sur la saison était de 17 000 personnes… Forcément, ça change (rires) ! L’ambiance entre les deux clubs n’était pas du tout la même.
Si tu es mauvais, ils peuvent te dire que tu es le pire joueur du monde
Personnellement, j’avais une excellente relation avec eux. Mais les fans, on les connaît, ils changent vite d’avis (sourire). Si tu gagnes, ils t’adorent, si tu perds, ils te détestent (rires). Ils peuvent te considérer comme le meilleur joueur du monde sur un match et le match d’après, si tu es mauvais, ils peuvent te dire que tu es le pire joueur du monde (rires). En Angleterre, les fans sont comme ça. Avec l’expérience, tu parviens à bien le gérer. Mais personnellement, je n’ai jamais eu aucun problème avec les fans de Bradford. Ils ont toujours été bienveillants avec moi.
En quatre ans, j’ai franchement eu l’impression de progresser. Je l’ai senti par rapport à une chose. À Oldham, je jouais un peu partout : latéral droit, défenseur central, milieu défensif. C’était difficile pour moi de gérer tout ça. Les postes ne sont pas les mêmes, tu dois d’adapter en permanence. Quand je suis arrivé à Bradford, j’ai joué uniquement en tant que milieu défensif, pas autre part. Ce qui m’a permis de progresser et de grandir encore plus. Il faut aussi prendre en compte que le niveau de la League One a énormément progressé ces dernières années. L’année où on perd en finale des playoffs contre Millwall, Sheffield United termine champion de League One en écrasant le championnat. Ils avaient démoli tout le monde (rires). Aujourd’hui, ils sont sixièmes de Premier League (NDRL : l’interview a été réalisée à la fin du mois de février) en n’ayant pas forcément beaucoup bougé au niveau de l’effectif depuis leur titre de champion.
C’est dire qu’il y a de la qualité en League One. Tu prends l’exemple de Dele Alli. Lorsque je suis arrivé à Oldham, il jouait à MK Dons et j’ai évolué face à lui. L’année d’après, le mec revient à Tottenham et devient titulaire indiscutable (rires). Mais d’une manière générale, les grosses équipes galèrent de plus en plus en Premier League, alors qu’à l’inverse, tu as des équipes qui progressent vite. Wolverhampton joue en Premier League depuis seulement deux ans et, cette année, ils ont réalisé de belles choses en Europa League.
Honnêtement, j’aurais pu rester à Bradford. Comme à Oldham, le club voulait me prolonger de deux saisons. Sauf qu’à cette époque, la situation du club n’était pas au beau fixe. Il n’y avait pas encore d’entraîneur pour la saison à venir et plusieurs cadres de l’équipe étaient partis. Je n’avais pas forcément envie de rester à Bradford. Pendant les vacances, mon agent m’a appelé pour me dire que Southend United était intéressé par mon profil. Chris Powell, le coach de l’époque, m’avait appelé au téléphone. Il me voulait absolument et j’ai été convaincu par ses paroles.
À la fin du match, les supporters sont entrés sur la pelouse, on avait l’impression d’avoir remporté un trophée
Ma première saison a été assez bizarre. On avait fait un début de saison correct. Jusqu’à fin janvier, on n’était pas très loin de la zone des playoffs. On ne visait pas du tout le maintien. Il y avait largement la possibilité d’aller chercher la sixième et dernière place qualificative. Mais à partir de fin janvier, je crois, on a perdu douze rencontres de rang. Chris Powell a été démis de ses fonctions, et jusqu’à la fin de la saison, on a lutté. On s’est sauvés lors de la dernière journée, à domicile, contre Sunderland qui était déjà qualifié pour les playoffs. On devait absolument gagner ce match pour se maintenir. On mène 1-0, Sunderland égalise et si je ne me trompe pas, on marque le but de la victoire à la 87e. À la fin de la partie, les supporters sont entrés sur la pelouse (rires). On avait l’impression d’avoir remporté un trophée (rires). De mémoire, on se maintient à la différence de buts. Il y avait trois équipes dans ce cas précis, dont nous. Cette saison a été bizarre jusqu’au bout (rires).
J’avais déjà vécu un scénario similaire à Oldham lors de ma deuxième saison au club. Le club s’était maintenu à deux journées de la fin alors qu’en janvier, on devait être à dix points du premier non-relégable. À cette époque, tout le monde pensait qu’on allait être relégués en League Two. Au final, je pense qu’il vaut mieux mal débuter le championnat et bien le finir que de bien le commencer et mal le finir (rires).
Mais cette saison, c’est une vraie catastrophe. On a gagné trois matches et on a enchaîné une dizaine de défaites de rang, je ne les compte même plus. Les raisons d’une saison aussi cauchemardesque ? Il y a plusieurs facteurs qui rentrent en compte. D’abord, la forme depuis plusieurs mois. Même si on a réussi à se sauver lors de la dernière journée contre Sunderland la saison passée, on venait de faire un championnat compliqué. Derrière, la pré-saison a été catastrophique. On a eu beaucoup de joueurs blessés, ce qui n’a pas permis de bien débuter la saison.
Au sein de l’effectif actuel, il doit y avoir seulement six ou sept joueurs disponibles qui ont l’expérience de la League One
Au mercato hivernal, certains joueurs ont été vendus : nos deux principaux attaquants, un défenseur central et un gardien. Au final, le club s’est affaibli à plusieurs postes et n’a pas recruté pour pallier ces départs. À partir de là, c’est difficile de retrouver de l’allant. Honnêtement, au sein de l’effectif actuel, il doit y avoir seulement six ou sept joueurs disponibles qui ont l’expérience de la League One, dont moi.
C’est un nouveau rôle pour moi. J’apprends tous les jours au quotidien à être capitaine de mon équipe. C’est un groupe facile à gérer et mes coéquipiers sont cool avec moi. Je suis très heureux d’être capitaine, c’est une preuve de confiance de la part du coach et ça rend plutôt bien sur le terrain de l’être (rires). Mais à l’origine, ce n’était pas moi le capitaine de l’équipe cette saison. Depuis le début du championnat, c’était Mark Milligan (34 ans) qui portait le brassard.
Pourquoi cela a changé ? Tout est lié à l’arrivée de notre nouveau coach, Sol Campbell, en novembre. Lors des trois premiers matches, il l’a laissé à Mark Milligan. Puis, au bout de quelques rencontres, il me l’a donné. J’ai porté le brassard pour la première fois en FA Cup contre Dover Athletic en novembre car Mark était sur le banc. Moi je pensais ne pas l’avoir par la suite et finalement, je l’ai eu le match suivant contre Wimbledon en FA Trophy avant de le garder définitivement jusqu’à la fin du championnat. Si j’ai parlé avec le coach ? Non. Il ne m’a pas pris dans son bureau pour me dire : “Timothée, tu vas être le nouveau capitaine”. D’ailleurs, ce qui est drôle, c’est que je me suis limite excusé auprès de Mark de porter le brassard à sa place (rires).
J’avais quelques bases en anglais, donc je comprenais un peu ce qu’on me disait. En revanche, pour parler, c’était un peu plus difficile. Mais à Oldham, il y avait un joueur suisse qui parlait français et qui était en Angleterre depuis un an. Il m’a aidé à m’acclimater et à m’installer. Quand j’avais besoin de dire quelque chose, il le traduisait. J’ai quand même appris l’anglais au bout de quelques mois et j’ai rapidement été capable de le parler couramment. Mais pour en être sûr et certain, j’ai quand même décidé de prendre quelques cours pour m’améliorer en anglais lors de ma deuxième année à Oldham. J’avais besoin d’acquérir un nouveau vocabulaire pour avoir plus de confort dans la langue.
On a passé toute la journée à boire dans un bar, à regarder des matches, à faire des jeux et à se déguiser
L’acclimatation avec les Anglais ? Je n’ai pas eu vraiment de problème. Après, je ne suis pas un grand fan d’alcool et de bières. Ici, c’est tout l’inverse. Il y a notamment une tradition avant Noël, le “Christmas Day”. Dans chaque club, pendant un week-end, tu vas fêter la période Noël dans une ville. Je me souviens, la première année à Oldham, on était partis à Newcastle après un match. Le samedi soir, on était sortis. Puis, le lendemain, on avait passé toute la journée à boire dans un pub, regarder des matches, faire des jeux et se déguiser. Moi, je ne suis pas fan de tout ça (rires). J’y suis allé la première année et depuis, je n’y vais plus. Je combine pour ne pas la faire en disant que je reçois de la famille, un truc comme ça (rires).
À mon arrivée, je ne connaissais personnellement aucun joueur français. Même si certains évoluaient en League One ou en League Two. Au fur et à mesure, j’ai commencé à jouer contre eux, notamment Armand Gnanduillet qui joue à Blackpool. Quand j’évoluais à Oldham, il était à Chesterfield et on avait le même agent. J’ai également tissé des liens d’amitié avec Amine Linganzi, qui a joué à Portsmouth, Salford. Et comme je l’ai dit précédemment, j’ai aussi évolué à Romain Vincelot à Bradford.
Si je me sens Anglais après toutes ces années ? Non, non, non… (sourire). Je me sens encore Français dans la mentalité (rires). Après, je ne sais pas trop ce que les gens ressentent. Je pense que je le ressentirai quand je reviendrai en France. C’est peut-être à ce moment-là que je saurai si j’ai changé ou non de mentalité. Mais pour le moment, je me sens Français (rires).
Jamais tu ne verras en France un stade avec 16 000 personnes en troisième division. La ferveur ici est incroyable. Et puis, il y a aussi un truc important. Personnellement, ça m’avait choqué au début. En France, tout le monde supporte une équipe de Ligue 1 et possède une équipe favorite. Lorsque je suis arrivé en Angleterre, j’ai demandé à un gars quelle équipe il supportait. Il m’a répondu : “Moi, je supporte Bury”. J’étais surpris, donc je lui repose la question : “Mais tu supportes qui en Premier League ?” Il m’a de nouveau répondu : “Moi je supporte Bury et personne d’autre. Je ne supporte aucune équipe de Premier League”. Moi, ça m’avait choqué. Même si je viens de Grenoble, lorsque le club était en Ligue 2, je supportais Lyon en Ligue 1. En Angleterre, ils supportent fièrement leur équipe locale. C’est pour ça que dans les divisions inférieures anglaises, tu as toujours beaucoup de fans qui viennent voir leur match.
À l’extérieur, il y a toujours des milliers de supporters qui viennent t’encourager, même à l’autre bout du pays
L’atmosphère est toujours incroyable. Il y a au minimum 6 000 personnes dans les stades en League One. À l’extérieur, il y a toujours des milliers de supporters qui viennent t’encourager, même à l’autre bout du pays. Ils se déplacent pour t’encourager, y compris le mardi soir. Tu te dis qu’en pleine semaine, les gens sont passionnés de venir te voir, y compris en hiver alors qu’il fait froid, il pleut. Il y a des personnes qui conduisent 2 ou 3 h après leur boulot pour venir voir leur équipe de League One. Ils ont une motivation incroyable. Puis, ils n’ont parfois aucun scrupule envers les joueurs. Par exemple, si un joueur de l’équipe adverse est un peu enrobé, ils ne vont pas le rater et le chambrer. C’est l’ambiance anglaise dans toute sa splendeur.
Le coach m’avait regardé et dit : “Bienvenue en Angleterre”
Qu’est-ce qui m’a marqué personnellement ? (Il réfléchit)… Lors de mon match d’essai à Oldham, en première période, un mec s’était cassé la jambe. Sur le moment, j’avais vraiment été marqué : “Ah ouais en Angleterre, ça se passe comme ça” (rires). Ce qui m’avait également choqué à mon arrivée, ce sont les tacles des attaquants. En France, Je ne m’étais jamais fait tacler par un attaquant. Là, au bout de mon deuxième match avec Oldham, un attaquant était venu me tacler. Le coach m’avait regardé et dit : “Bienvenue en Angleterre” (rires).
En League One, tu joues contre des mecs avec des sacrés physiques. Je vais donner un exemple assez frappant. Je pense que beaucoup de personnes le connaissent en France, c’est Adebayo Akinfenwa qui joue à Wycombe Wanderers. Le mec n’est pas très grand, mais il est large (rires). Il ne court pas sur le terrain en plus. Ce n’est pas bien difficile de comprendre la tactique de son équipe. Il balance des longs ballons devant et les attaquants à côté de lui, parient sur ses déviations. Je me souviens d’une anecdote lorsque j’ai joué contre lui. À un moment du match, un de ses coéquipiers veut jouer rapidement et là, je vois Akinfenwa lui dire : “Ooooh, stop, stop, calme, laisse-moi me reposer” le mec était cuit (rires). C’est sûr qu’avec une telle corpulence, tu ne peux pas courir partout, mais ça marche cette saison en tout cas car ils jouent la montée.
Après au niveau des terrains, ça passe. Même si bon, il y en a certains… (sourire). Je pense de suite à Accrington Stanley. Quand tu joues là-bas en plein hiver, le terrain est rempli de boue. Tu te changes dans un vestiaire qui fait, allez, peut-être 3m2 (rires). Tu as des stades assez hostiles quand même (rires)… Mais comme je l’ai dit, il n’y en a pas des masses. Par contre, tu as des ambiances fabuleuses dans certains stades. Je peux citer forcément Bradford car j’y ai joué, mais aussi des clubs comme Sunderland ou Portsmouth. Quand tu as autant de personnes qui t’encouragent, c’est incroyable.
Entretien réalisé par Thomas Bernier le lundi 24 février 2020
Timothée Dieng est à retrouver dans le webdocumentaire Outsiders : https://app.racontr.com/projects/outsiders/