UltimoDiez
·24 juillet 2019
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·24 juillet 2019
Tout au long de la banlieue parisienne, entre la petite et la grande couronne, le football fait office de religion. Les talents se massent, s’exilent pour trouver une place. Cet espace d’une taille modeste à l’échelle du pays rassemble pratiquement tous les talents du pays. À l’image du sud de Londres, les talents naissent dans la rue avant de rejoindre les synthétiques ou le gazon. À Bondy, au cœur de la Seine-Saint-Denis, le ballon rond faisait déjà légion, et l’histoire est encore plus belle depuis que Kylian Mbappé s’est installé sur le devant de la scène. Cependant, d’autres Bondynois ont l’envie de se joindre à lui et William Saliba est peut-être l’un d’eux.
Né le 24 mars 2001, le jeune défenseur de l’AS Saint-Etienne commence à pousser le cuir dès 6 ans à l’AS Bondy sous la houlette de Wilfried Mbappé avant de rejoindre Montfermeil. À ce moment-là, l’enfant était déjà en avance, surclassé chez les moins de 15 ans. Antonio Ricardi, son éducateur à Bondy, le disait à France Bleu en avril dernier. «William était en avance morphologiquement. Il jouait milieu défensif car il arrivait à faire des différences, un peu pataud, mais il faisait déjà des choses intéressantes vu sa taille. » On comprend qu’il n’a pas de suite revêtu la cape de défenseur central, que cela est arrivé plus tard.
Le joueur aurait pu continuer dans la région parisienne où les places sont chères. Il s’en est allé poser ses valises dans le Forez durant l’été 2016 pour rejoindre le centre de formation de l’ASSE après avoir été repéré par Ludovic Paradinas. Ce dernier, qui était le responsable du recrutement pour la région parisienne jusqu’en 2017, avait notamment déniché Jonathan Bamba et Arnaud Nordin.
Rapidement, sur les pelouses de l’Étrat, le jeune homme impressionne les observateurs de la formation. Son nom revient souvent, ce qui a son importance tant la génération 2001 a du talent. Dirigés par Razik Nedder, les U17 réalisent une très belle saison 2016/17 en terminant premiers de leur poule et en battant notamment l’OL à deux reprises. Au cours de cette saison, le jeune défenseur central joue 26 matchs et se révèle être un pilier de son équipe. Et ce n’est que le début de la notoriété pour le jeune homme dont la carrière prend un tournant au moment où Jean-Louis Gasset arrive dans la Loire.
La saison qui suit, ce sont 34 matchs que le défenseur d’1m93 joue entre les U17 et les U19. À cela vient s’ajouter une apparition avec la réserve et une convocation avec le groupe professionnel. Tout va vite sur la planète William et les espoirs se confirment doucement quand il signe son tout premier contrat professionnel le 30 mai 2018, à 17 ans. Et un peu moins de quatre mois après, il touche les pelouses de Ligue 1 pour la première fois en tant que titulaire en charnière centrale face à Toulouse, le 25 septembre.
Avec l’expérience qui règne autour de lui, le jeune homme réussi son entrée en scène. De cette première ressort cependant les déclarations de Stéphane Ruffier impressionné par un adolescent « dur sur l’homme » et avec « un bon état d’esprit ». Le portier stéphanois, peu bavard, n’a pas lésiné sur les éloges. « Il cherche à progresser, il prend les informations. Je le félicite parce qu’il s’en est bien tiré (contre Toulouse), pourtant ce n’est jamais évident de commencer en Ligue 1 à l’extérieur. Il est à l’image des autres jeunes du groupe : tous à l’écoute et avec l’envie de se mettre en concurrence avec les anciens. » Saliba, lui, a récemment évoqué au site de la LFP cette première. « Je me rappelle aussi que lors de mon premier match, Yann M’Vila m’avait dit de ne pas hésiter à lui mettre la balle lorsque j’étais en galère, même s’il était pressé. Ils m’ont tous mis à l’aise. » L’idéal donc pour être jeté dans le grand bain.
Ce début en fanfare n’est que le point de départ d’une saison rock’n’roll. En effet, cette première titularisation offerte par Jean-Louis Gasset a été le point de départ de tout. Cette entrée en matière est suivie de deux autres en octobre puis quatre en décembre. Au cours de cette première partie de saison, le joueur évolue entre les U19 de Razik Nedder et les professionnels, un pied dans chaque monde. Chaque apparition en Ligue 1 impressionne les supporters, les observateurs. Rien n’est parfait, ce qui est normal pour un jeune joueur de 17 ans. Jusqu’en février, William Saliba reste avec les U19 mais voilà, les blessures et la méforme de certains joueurs touchent le groupe de Gasset, et à partir de la 27èmejournée, le défenseur ne quitte plus le groupe professionnel. Mieux encore : il va enchaîner les titularisations.
Associé à Loïc Perrin la majorité du temps, Saliba brille. La jeunesse associée à l’expérience de la pierre angulaire du collectif stéphanois fonctionne parfaitement. Alors que l’on pensait Perrin terminé du fait de son association avec Neven Subotic qui ne fonctionnait plus, il a retrouvé de sa superbe. L’équilibre est là, et les attaques de Ligue 1 se cassent sur cette ligne défensive dont le dernier rempart est l’un des meilleurs gardiens du championnat. Ce n’est pas anodin si à ce moment-là, les Verts réalisent la meilleure série de la saison. Et l’une des meilleures depuis très longtemps. C’est simple : entre la 29èmejournée et la dernière, le club ligérien remporte sept matchs, ne s’incline qu’une fois et réalise deux matchs nuls.
Le sprint vers l’Europe des Verts aura été parfait et Saliba en est l’un des grands artisans. Avec des performances retentissantes comme face à Bordeaux, Reims ou encore Toulouse et Nice, le jeune homme ne laisse rien passer. Il fait parler son talent. D’un calme olympien balle au pied, solide sur ses appuis, il prend plaisir à subtiliser les ballons aux attaquants avant de relancer proprement. Ceci est d’ailleurs selon lui sa meilleure qualité et les observateurs sont d’accord pour le dire. Depuis les travées du Chaudron, son aisance technique saute aux yeux. Le cuir colle aux crampons. Longtemps qu’un joueur sorti du centre de formation n’avait pas tant impressionné. On voit en lui un futur grand, un joueur qui a le profil d’un capitaine, d’un leader, d’un joueur en qui on peut avoir totalement confiance. Il semble impassible, infranchissable. C’est presque effrayant de se dire cela en évoquant un si jeune joueur et pourtant cela est si juste. Il est d’ailleurs difficile de penser qu’il a seulement 18 ans.
Au-delà de sa grande taille qui est un véritable atout dans les airs (quatrième meilleur défenseur de Ligue 1 dans les duels aériens), le jeune homme a l’amour du risque. On retient son souffle à chaque fois qu’il tente une relance dangereuse, mais à chaque fois, on n’a pas à soupirer puisque ça fonctionne, permettant ainsi au bloc-équipe de remonter. En le voyant jouer, on peut penser à Raphaël Varane. C’est sans doute le défenseur auquel il ressemble le plus. La saison dernière, ses apparitions ont ravi les supporters stéphanois mais aussi ses coéquipiers et son entraîneur. La presse française a également été soufflée par le talent de Saliba et il sera apparu à maintes reprises dans les équipes-types.
Jean-Louis Gasset a d’ailleurs une place de choix dans cette spectaculaire explosion. William Saliba le dit lui-même et il ne fait que se rajouter à la liste des joueurs qui ne tarissent pas d’éloges envers le jeune retraité. Dans la même interview que celle évoquée plus haut, il revient sur ce que l’entraîneur lui a apporté. « Même quand je faisais de mauvaises prestations, en raison de ma jeunesse et de mon inexpérience, il continuait à me faire jouer. C’est grâce à lui que j’ai pu avoir cette progression. Il te conseille aussi bien sur le plan sportif qu’extra-sportif. Il m’a appris à être un homme. Il a entraîné tellement de grands joueurs qu’il a énormément de conseils à donner. […] Ses conseils portaient sur le jeu de tête notamment mais également sur les autres compartiments du jeu.» Un peu comme un papa poule, il a cajolé son jeune joueur qui a brillé de mille feux.
C’est un peu grâce à cela que fin avril, le défenseur central a prolongé son contrat jusqu’en 2023 mais surtout, il a permis aux U19 de R. Nedder de remporter la Gambardella face à Toulouse. Il n’aura pas pris part à la finale mais restera un artisan de la qualification pour le stade de France ainsi que de la grande saison réalisée par ce groupe pétri de talents. Il n’aura pas joué à cette rencontre pour la simple et bonne raison que le groupe de Gasset affrontait eux aussi le TFC et il était impossible de se passer de William Saliba. Mais ce n’est pas grave, la Gambardella aura été célébrée dans le Chaudron, sous la pluie battante après une victoire 2-0. Même score que la veille en finale.
Sa deuxième partie de saison s’apparente finalement à un récital car, même s’il a encore une immense marge de progression, ce que Saliba a réalisé à 18 ans à peine est superbe. Lui-même sait qu’il doit encore progresser, grandir, murir mais la promesse reste si belle. l’étoile est faite pour scintiller pendant longtemps. Et il le dit : « À mon âge, je dois tout améliorer, tout perfectionner pour en faire en sorte de ne pas m’arrêter de progresser. » Intransigeant avec lui-même, Saliba a les mots d’un joueur qui a faim de réussite. Il sait qu’il doit rester alerte pour ne jamais tomber dans la facilité faute à un talent débordant. Le jeune homme a une folle envie de progresser, de monter tout en haut, un peu comme son compatriote de Bondy. Et cela commencera par briller dans un Chaudron chauffé à banc pour cette saison européenne qui s’annonce belle.
Finalement, la saison aura été magnifique pour le défenseur stéphanois. Au point d’être convoqué pour la Coupe du monde U20 avec les Bleuets. Mais faute à une blessure, il n’aura pu y participer. Cependant, on ne peut s’empêcher de penser qu’il y aura d’autres compétitions internationales auxquelles le défenseur central prendra part. Et c’est tout ce qu’on peut lui souhaiter à l’aube de sa signature à Arsenal qui fera de lui le joueur le plus cher ayant été vendu par l’ASSE. La carrière du jeune William Saliba ne fait que commencer, mais on ne peut que penser qu’elle ira haut, si haut qu’elle pourrait côtoyer les étoiles si la chance, s’associant au travail, sont avec lui jusqu’au bout. Mais attention à ne pas se brûler les ailes comme d’autres l’ont fait avant.
Crédit photo: Romain Biard / DPPI
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