Paco Seirul·lo, la bible de l’ADN Barça | OneFootball

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La Grinta

·2 novembre 2024

Paco Seirul·lo, la bible de l’ADN Barça

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Si quelqu’un est capable de déchiffrer l’ADN Barça, c’est bien Francisco « Paco » Seirul·lo. En témoigne son parcours après presque un demi-siècle au FC Barcelone, d’abord comme entraîneur des équipes d’athlétisme du club, puis comme préparateur physique de l’équipe de handball et des équipes de jeunes, avant qu’en 1993, Johan Cruyff lui confie la responsabilité de la préparation physique de la légendaire “Dream Team”.

Seirul·lo est resté au sein de l’équipe première pendant plusieurs décennies lors desquelles il a travaillé avec Frank Rijkaard et Pep Guardiola. Avant de prendre sa retraite en 2022, il avait également passé deux ans à enseigner aux nouveaux entraîneurs de La Masia le style de jeu d’une équipe qui a émerveillé le monde, non seulement par les titres qu’elle a remportés mais par la manière dont ils ont été obtenus. Traduction d’une interview de cet historique du club menée le printemps dernier par l’agence EFE Sports Business.


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À 78 ans et déjà à la retraite, vous décidez de publier un livre sur l’ADN du Barça. Était-ce un projet que vous attendiez depuis longtemps ou l’idée est-elle venue d’un tiers ?

P.S. : Après avoir quitté le terrain d’entraînement, au cours de mes deux dernières années au club, je me suis consacré à la formation d’entraîneurs et à l’application chez les jeunes de la manière dont on s’entraînait réellement au sein de l’équipe première durant mon temps là-bas. Et avec toutes ces notes et ces exposés que je donnais aux entraîneurs et toutes les connaissances que j’avais acquises auprès des entraîneurs que j’avais eu en équipe première, j’ai décidé d’écrire un livre. Bien sûr, en lui donnant une approche un peu moins académique et plus pratique. J’espère y être parvenu.

Le livre s’intitule “ADN Barça”, un terme largement utilisé au cours des 35 dernières années pour décrire un certain style de jeu que vous décortiquez en détail.

P.S. : Après plus de 45 ans au Barça et en ayant travaillé avec beaucoup d’entraîneurs à succès dans ce sport, je suis arrivé à la conclusion que l’ADN Barça naît de l’interaction entre les joueurs, des éléments de communication qu’ils choisissent entre eux et de l’information qu’ils [les entraîneurs] tirent du jeu et qu’ils donnent à leurs joueurs avant et après les matchs. Et tout cela a une incidence sur le style de jeu, sur la manière très spécifique de vivre l’entraînement, sur cette interprétation commune du jeu de nos joueurs qui les amène à proposer collectivement bien plus que n’importe quelle individualité, et cela ne peut être cultivé de manière authentique qu’au FC Barcelone. C’est pour cette raison que les joueurs qui viennent de l’étranger souffrent et connaissent de nombreux hauts et bas dans leurs performances, car ils doivent assumer des concepts qui ne leur sont pas communs.

Dans l’introduction de votre ouvrage, vous prévenez le lecteur qu’il ne s’agit pas d’un livre “de football”, mais plutôt d’un livre “du  football”.

P.S. : Oui, du football qui se joue depuis longtemps au FC Barcelone. Généralement, les entraîneurs se forment dans une école d’entraîneurs et se forgent leur idée du jeu en étudiant les systèmes de jeu et en copiant celui qui a le plus de succès à ce moment-là. Il existe des tonnes de livres sur ce sujet, mais le mien enseigne ce qu’est le jeu et comment on s’y rapporte. Pourquoi la complexité du jeu est simplifiée par la passe, quels types d’éléments constituent l’essence du jeu et quels aspects du jeu la technicité des systèmes ignore.

Autrement dit, en utilisant le modèle du Barça, vous essayez d’aller plus loin.

P.S. : Oui, je parle du jeu naturel, qui devrait en fait être le plus simple à jouer. Ce type de jeu qui permet la ruse, qui propose des situations qui déroutent l’adversaire pour continuer à avoir le ballon et, quand on doit le récupérer, ne pas se sentir seuls, car chacun a un rôle à jouer. Ce qui est merveilleux dans le football, c’est que contrairement à d’autres sports, c’est un jeu impossible à prédire. Et en partant de ce principe, je propose dans le livre que les joueurs soient suffisamment entraînés pour pouvoir identifier ces phénomènes complexes et toujours différents, même s’ils nous semblent identiques.

Aucun système de jeu n’apparaît dans votre livre. Les systèmes sont-ils le grand mensonge du football ou tous les systèmes sont-ils valables ?

P.S. : Les systèmes de jeu sont les plans élaborés par l’entraîneur pour surmonter les plans de l’entraîneur adverse. Et entre la modification du plan et sa simple adaptation, la frontière est très fine. Je pense que c’est le gros problème du football actuel. Si je joue avec le même système que le système adverse pour le contrer, je me base fondamentalement sur la qualité du joueur. Qu’il soit plus fort, plus rapide, qu’il prenne le ballon avant son vis-à-vis. Aujourd’hui, tout le football est très linéaire, alors que ce qui compte vraiment, ce sont les vérités cachées du jeu, qui sont les pensées et les intentions de l’équipe. Que l’équipe utilise une communication interne inconnue des autres pour les réaliser.

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(DR)

Vous utilisez des termes tels que “avantages relationnels”, “flux de circulation optimal” ou “fonctionnalité opérationnelle” exprimés dans ce que vous définissez comme des “idéogrammes”. Cela ressemble à un livre destiné aux entraîneurs, pas destiné aux fans de football en général.

P.S. : La vérité, c’est que je l’ai écrit pour un besoin personnel, sans penser à qui il allait être destiné. S’il y a des entraîneurs qui forment leurs joueurs de la manière dont je le propose, le football en sortira grandi car il y aura de plus belles choses dans le jeu. Les entraîneurs veulent que ce qu’ils pensent advienne, et pour ça, ils forment leurs joueurs. Pour qu’ils fassent ce qu’ils veulent qu’ils fassent. Ça me fait peur lorsqu’un entraîneur dit : “On voit déjà ma patte dans la manière dont joue l’équipe.” Ça me rend très triste, car ils restreignent la liberté des joueurs. Ils font en sorte que le concept de stratégie ait plus de valeur que la libre pensée du footballeur au moment d’identifier le jeu.

Dans le prologue, Pep Guardiola et Jordi Cruyff avouent être fascinés par le concept que vous évoquez “d’espace de phase”. Pouvez-vous expliquer en quoi cela consiste ?

P.S. : Tout le monde parle de défendre et d’attaquer. Une idée guerrière, de confrontation, très séduisante pour certains mais qui tue l’idée du jeu en tant que tel. Et pour que le jeu ne meure pas, on doit créer des espaces dans lesquels on peut interagir et nous sentir bien. Donc il y a une phase dans laquelle on a le ballon. Un espace dans lequel on le partage et on s’organise pour qu’il ne nous soit pas retiré. Et puis il y a l’autre phase consistant à essayer de le récupérer lorsqu’on ne l’a pas, ce qui crée un autre espace différent.

Vous avez travaillé avec Cruyff, considéré comme le père de ce style, et avec Guardiola, qui est l’entraîneur qui l’a sublimé. Comment valorisez-vous leur influence ?

P.S. : Johan, en trois mots, a développé toute l’essence de l’ADN Barça : jouer face au jeu, dans les pieds et en une touche. C’est ce qui fait que des millions de situations différentes peuvent se produire sur chaque action selon le type de relations établies entre les joueurs. Et Pep a vécu ça avec Johan et a su identifier cet ADN mais en développant un halo d’éléments spatio-temporels qui permettent de jouer de cette façon. Cela lui permet aussi d’informer ses joueurs de choses qu’ils ne sont pas capables d’identifier, car ils sont concentrés sur la matière, sur ce qu’on voit, pas sur ce qu’ils peuvent faire. Et ça fait que les joueurs se sentent attirés et sont séduits par ce jeu. Ils se sentent comme une famille qui a un secret à partager, un clan capable de faire quelque chose que d’autres ne sont pas capables de faire, de tromper l’adversaire avec ce secret, et que c’est pour ça qu’ils gagnent. Pep a créé un langage et une communication avec ses joueurs et son staff qui leur permettent de se sentir spéciaux.

Si le Barça possède un trésor qui est le comment, le récit, sa propre méthodologie de jeu que seuls les joueurs locaux comprennent, pourquoi est-il parfois si difficile de parier sur La Masia ?

P.S. : Je pense que c’est dû à des problèmes culturels, presque ancestraux, ou à des insécurités ou à des peurs. J’espère que lorsqu’un nouveau conseil d’administration arrivera au club, ils consulteront mon livre, car ils doivent connaître et identifier les essences du jeu. Car s’ils apportent autre chose, même si ce changement se passe bien pendant un moment, le spectateur qui apprécie le Barça sera finalement insatisfait de ce qu’il voit. Et j’aimerais aussi que ce livre soit un peu une  graine sur laquelle les joueurs et les entraîneurs puissent se raccrocher lorsqu’ils ont des doutes. Si nous sommes en compétition comme tout le monde, nous avons beaucoup d’adversaires à affronter, mais si nous faisons quelque chose que les autres ne font pas, nous ne rivaliserons qu’avec nous-mêmes.

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